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la pluie, en l’absence de connaissances réellement définitives concernant certains de ces facteurs, et enfin en raison de la variabilité possible de ceux-ci. Si l’on arrive à montrer que telle région jouissant normalement d’un nombre assez régulier de centimètres de pluie par an, — nombre fort ou faible, — en voit accroître notablement le nombre à la suite des expériences faites, et en l’absence de causes de perturbation non artificielles, on pourra conclure « qu’il y a quelque chose ; » mais ce sera difficile.

La situation est donc à peu près la suivante. Il semble bien que les détonations et explosions peuvent, dans certaines conditions atmosphériques qui ne sont point encore élucidées, mais dont Le Maout s’était beaucoup préoccupé, — car il a dit à maintes reprises que l’expérience ne peut ni ne doit réussir à tout coup, et que pour obtenir de la pluie il faut tenir compte de la température, de l’état hygrométrique, de la direction du vent, etc., choses dont le général américain semble tenir un compte médiocre, — il semble bien que dans certaines conditions l’homme puisse artificiellement déterminer la formation de nuages et de pluie. Quelles sont ces conditions ? nous ne savons au juste ; mais elles varieront dans certaines limites, selon les localités. Quels sont les moyens à employer ? Le son suffit-il en lui-même ; ou bien faut-il autre chose ? faut-il un dégagement de poussière ? faut-il d’autres modifications de pression ou de température ? Nous ne savons. L’avenir seul nous indiquera la théorie à adopter ; elle ressortira des expériences, et nous saurons alors si le son est l’agent, ou bien si c’est le dégagement de poussières, si la vérité est dans les vues de M. Aitken, dans celles de Le Maout, ou dans quelque autre théorie encore à venir. Il faudra naturellement mettre à l’épreuve les idées du météorologiste américain Espy, qui, en 1837, déjà, proposait de produire la pluie en allumant de grands incendies, pensant que le courant d’air chaud ainsi formé, et tenant de la vapeur d’eau en suspension, produirait de la pluie en s’élevant dans les airs où, en raison de la diminution de pression, il se dilaterait et sursaturerait, en se refroidissant. Une expérience faillit être tentée en 1884 par le gouvernement australien, — on sait que certaines régions de l’Australie sont d’une sécheresse désespérante, — mais on y renonça devant le coût formidable de la tentative : on avait calculé qu’il faudrait brûler 9 millions de tonnes de houille par jour pour augmenter la précipitation atmosphérique de 66 pour 100 à Sydney ; mais je ne sais sur quels élémens reposent les calculs dont il s’agit, et dont la précision est très problématique.

Espy et ses compagnons ont vu se produire d’abondantes pluies