Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 113.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Maout. Après en avoir ri d’ abord, il voulut les faire soumettre à un contrôle sérieux, et, écrit-il, « les relevés ainsi obtenus furent d’abord très favorables à l’opinion émise par M. Le Maout. Le feu des batteries était suivi de jours de pluie dans certaines régions. Ces premiers essais étaient insuffisans pour rien décider. Toutefois, je les transmis à M. Le Maout et je fis poursuivre le travail. Il nous fut ainsi démontré que nous avions tout d’abord été trompés par de simples coïncidences, et j’en avertis M. Le Maout. » Aussi, quand ce dernier revint à la charge en 1870, le maréchal eut-il promptement enterré la question, par l’opposition qu’il lui fit à l’Académie, et rien ne fut tenté. Quelques jours plus tard, la guerre commençait, le canon tonnait sur le Rhin, et la pluie tombait.

Je ne tirerai aucune conclusion de ce dernier fait, pas plus que de ceux qui ont été énumérés plus haut. Pour juger la question sainement, pour émettre un jugement motivé et non une impression sans fondement, il faudrait une série de documens et d’informations difficiles à recueillir, il faudrait une étude systématique et expérimentale que l’avenir seul peut fournir. Ceci soit dit d’ailleurs sans vouloir, le moins du monde, diminuer la valeur des observations de M. Le Maout ; mais ce ne sont que des observations, et nous ne connaîtrons leur valeur réelle qu’après l’étude expérimentale qui s’impose, et que les États-Unis viennent d’inaugurer, — dans des conditions d’ailleurs très défectueuses. — Cette étude ne sera pas précisément aisée. Il faudra d’abord relever soigneusement la situation météorologique de la localité choisie ; connaître la quantité de pluie qui y tombe chaque année, en moyenne ; noter les vents et les conditions thermométriques favorables à cette condensation atmosphérique, et, une fois les conditions normales connues, modifier ces conditions en ajoutant une cause perturbatrice connue, en quelque sorte mesurée et jaugée. Bien souvent, sans doute, une observation peut remplacer une expérience ; mais il faut, pour cela, parfaitement connaître les conditions de celle-ci, et dans le cas de M. Le Maout, nous ne les connaissons pas suffisamment. Il est superflu d’ajouter que, si l’on veut arriver à quelque conclusion précise, il faudra opérer dans des localités variées et dans des conditions différentes ; il faudra voir si l’on peut, — et dans quelles conditions de vent et d’état hygrométrique de l’air, — déterminer artificiellement la formation de nuages ; il faudra voir encore si l’on peut artificiellement provoquer la condensation en pluie des nuages naturels ou artificiels, sur place ou au loin. En réalité, cette étude est des plus difficiles, en raison des facteurs nombreux qui prennent part à la formation de