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Ces désordres ne peuvent pas être imputés à la négligence de la police ; bien qu’il ait été pris au dépourvu par la soudaineté de l’attaque, le gouvernement a partout fait son devoir. Des agens munis de pleins pouvoirs ont été envoyés dans la région du Volga. Les gouverneurs-généraux de Varsovie, de Kiel, de Volhynie, de Podolie, ont reçu l’ordre de prendre, dans le plus bref délai et sans attendre l’invasion, toutes les mesures sanitaires qui leur sembleraient utiles. Sur la ligne de chemin de fer de Rostov-sur-le-Don à Voronèje, des postes sanitaires ont été installés de distance en distance pour la désinfection des wagons et des bagages.

La foire de Nijni-Novgorod coïncidait d’une façon bien fâcheuse avec l’apparition du choléra ; le gouvernement russe n’a pas voulu l’interdire, mais il a pris les mesures nécessaires pour atténuer les dangers de cette malencontreuse concentration. Le général Baranof, gouverneur de la ville, a nommé une commission sanitaire de vingt-cinq médecins assistés par soixante étudians et plusieurs centaines d’infirmiers, et il l’a investie des pouvoirs nécessaires pour sauvegarder la santé publique. Deux hôpitaux flottans contenant 250 lits ont été installés sur le Volga et sur l’Oka ; des baraquemens pour 900 ouvriers ont été élevés sur les rives de ces deux fleuves et des cuisines populaires ont été installées dans tous les quartiers. Enfin, lorsque des troubles semblables à ceux de Saratov et d’Astrakan ont semblé devoir se produire, la loi martiale a été proclamée et les meneurs surveillés de près. Le général Baranof n’a pas hésité à faire arrêter un bourgeois convaincu d’avoir nié l’existence du choléra et accusé la police d’enterrer les gens vivans. Il l’a envoyé remplir les fonctions d’infirmier sur un des hôpitaux flottans. Cet incrédule y a trouvé son chemin de Damas, et, quand son expiation a été terminée, il a demandé à rester à bord pour y continuer son service. Ces mesures ont eu le meilleur effet ; l’épidémie a diminué de jour en jour et, à la date du 15 août, il n’y avait plus que 28 cas de choléra et 12 décès par vingt-quatre heures. Les hôpitaux se vident, la plupart des baraquemens ont été supprimés ; le docteur Awrep, qui avait été envoyé de Saint-Pétersbourg, y est retourné ; et les affaires, qui avaient été très languissantes au début, commencent à reprendre.

Les États voisins de la Russie ont aussi pris leurs précautions. L’Autriche, la plus menacée, a établi une surveillance à sa frontière. Des postes pour l’inspection des voyageurs et pour la désinfection de leurs bagages ont été établis à Teschen et à Bodenbach. À Vienne, on a nommé une commission pour surveiller les logemens insalubres, et en particulier les dortoirs communs ; on a organisé un service de voitures pour le transport des malades,