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est maintenant l’esclave. » Autrefois, le mot de papisme eût fait voler les pierres en l’air et partir les fusils : il remue encore des passions endormies chez les incultes. Il y a quelques jours, le docteur Parker, qui a hérité du troupeau, mais non de l’intelligence de Spurgeon, disait dans une lettre au Times que le souverain pontife se croit Dieu et se fait traiter comme tel. Quand des hommes réputés instruits impriment ces fantaisies, que doit croire la masse imbécile et fanatique ? Aussi les non-conformistes hésitaient, songeurs, ébranlés.

Tout cela n’était encore rien. Pour calmer les Irlandais, il suffisait de leur donner des assurances, d’ailleurs parfaitement sincères, de la constance de M. Gladstone. Quant aux non-conformistes, il était encore plus facile de les retenir dans la vieille obéissance. Ils connaissent M. Gladstone et M. Gladstone les connaît. On aurait quelque peine à leur persuader que le critique des Vatican decrees est un jésuite déguisé. S’ils nourrissent des préjugés un peu mais contre Rome, ils savent, du moins, quelque chose de l’histoire contemporaine de l’Irlande. Or cette histoire prouve que, s’il y a intolérance, c’est du côté des protestans. Dans l’Ulster, les catholiques, qui représentent quelque chose comme « la moitié moins un » de la population, sont systématiquement exclus de tous emplois, petits ou grands. Dans le reste de l’Irlande, où les neuf dixièmes des habitans sont catholiques, les protestans obtiennent un partage presque égal des charges, à l’élection comme au choix. Voilà pour le fanatisme catholique. Il est vrai que les prêtres sont maîtres du paysan irlandais et qu’ils en font ce qui leur plaît. Mais qu’y faire ? j’ai déjà indiqué ici les causes de cette influence. Les prêtres irlandais ne sont pas des gentlemen et c’est là leur force. Ils mènent le peuple parce qu’ils sont peuple eux-mêmes. Très pauvres, très purs très bornés, mais sachant à fond leur métier de tribuns rustiques, ils sont les leaders naturels d’une démocratie rurale et il se passera bien des années avant qu’on les dépossède de ce rôle. Les non-conformistes anglais comprennent très bien cela : d’autant mieux qu’ils jouent dans leur pays un rôle analogue, quoique bien moindre, et aspirent à l’étendre.

D’ailleurs, ils n’avaient garde d’oubUer que M. Gladstone leur était nécessaire pour démolir l’église officielle du pays de Galles. Ce fut donc en vain que l’on convoqua à grand bruit une convention unioniste à Belfast, puis une seconde à Dublin, puis une troisième à Londres même dans Saint-James hall, pour exciter les ministres à une levée de boucliers. On n’obtint que des désertions isolées et sans importance.

Le danger était ailleurs. Le gros nuage, qui creva quelques jours