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le bonheur de mon pays, je viens solliciter la rentrée du petit nombre d’officiers qui, dans une occasion dont la responsabilité appartient à moi seul, ne pouvant pas prévoir où les conduisait l’obligation d’accompagner leur général, tombèrent avec lui dans les mains des ennemis. Leur patriotisme éprouvé, dès les premiers temps de la révolution, s’est conservé dans toute son ardeur, comme dans toute sa pureté, et la république ne peut pas avoir de plus fidèles défenseurs. »

La Revellière fut cette lettre en présence de Mme de La Fayette et lui dit qu’il en ferait part au Directoire. Aucune résolution ne fut prise.

L’exil fut moins dur en Hollande. Depuis que Pichegru en avait chassé les Anglais, le stathoudérat avait été aboli, et les sept provinces, sous le nom de République batave, étaient gouvernées par une assemblée législative directement nommée par le peuple. Un traité d’alliance entre la France et les Provinces-Unies avait été signé depuis le mois de mai 1795. La Fayette et son fils étaient les amis du général Van Ryssel, et ils avaient été reçus par ce grand patriote de la façon la plus touchante[1]. Le général Brune commandait les troupes auxiliaires françaises. La présence de La Fayette dans la république batave n’était pas sans réveiller les haines de ses ennemis et leurs accusations. « Il serait facile à mes amis d’y répondre, écrivait-il le 4 avril 1799, si l’apathie générale ne trouvait plus commode de répéter des mots en l’air sur les prétendues fautes du temps passé, que d’encourir le malheur d’avoir une volonté en cherchant à tirer parti du temps présent. J’ai fait des fautes, sans doute, et je les connais bien ; mais les accusateurs ne sont pas heureux dans leur choix. Dois-je ajouter un manifeste de plus à tous ceux qui ont inondé le public ? Je ne le crois pas. Attendons pour que je prenne la parole une occasion. La situation actuelle ne peut pas durer. »

Le général Brune se plaignit au gouvernement du séjour de La Fayette dans la république batave. On le gênait dans le choix d’un asile. Il songea à chercher un refuge en Amérique ; mais Washington y voyait des inconvéniens politiques pour son ami.

Il se donna, pour tout oublier, aux joies de la famille, laissant M de La Fayette essayer de réunir les débris de leur fortune. M de Montagu et Mme de Grammont, au printemps de 1799[2], arrivèrent à Vianen. L’entrevue des trois sœurs fut pleine d’émotion. Il s’agissait de partager la succession encore indivise de la duchesse d’Ayen. Il y avait des mineurs. M. de Thésan vivait en Allemagne,

  1. Voir Correspondance, t. V, p. 6-16.
  2. Mémoires de Mme de Montagu, par M. Gallet, p. 184.