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résolu à seconder Bonaparte dans tous nos intérêts extérieurs, j’offris de faire passer pour mon compte un paquet à Londres destiné aux principaux personnages d’Angleterre. »

Le décret convoquant les chambres le trouva à Lagrange. Ce fut Benjamin Constant qui le lui envoya (1er mai 1815). « Je suppose, lui écrivait-il, que vous allez vous faire élire. Je regarde votre élection comme un grand pas vers notre ordre constitutionnel. Si, quand vous et tout ce qui vous intéresse serez nommés, il reste une place, je la réclame, parce que je serais bien content d’être votre collègue. Dites-moi si vous êtes satisfait. »

« Oui, je suis content, répondait La Fayette, et j’aime à vous le dire. La convocation immédiate d’une assemblée de représentans me paraît comme à vous l’unique moyen de salut. »

L’acte additionnel étant soumis à l’acceptation des citoyens, il crut devoir s’expliquer sur le registre de sa commune dans les termes suivans : « Le nouvel acte additionnel à des constitutions de l’empire, qui pour la plupart ne furent jamais soumises à la délibération nationale, est lui-même présenté par une autorité provisoire, non à la discussion légale, mais à la signature individuelle des citoyens. Il renferme des articles que tout ami de la liberté doit à mon avis adopter, d’autres que je rejette pour ma part, sans que le mode imposé permette de les distinguer, encore moins de les discuter ici, mais que je me réserve de discuter ailleurs. Cependant, comme les droits de la souveraineté du peuple ont été reconnus, et qu’ils ne peuvent non plus que les droits essentiels de chacun de nous être aliénés sur aucun point, je dis oui, malgré les illégalités et sous les réserves ci-dessus. »

C’est toujours la même doctrine libérale qu’il pratique sans déviation, ni faiblesse.

Le 8 mai, il fut élu membre de la chambre des représentans par le collège départemental de Seine-et-Marne.

Ainsi après vingt-trois ans d’interruption, La Fayette était jeté au milieu de la vie politique, dans une des crises les plus graves qu’ait traversées notre malheureux pays. Il se préparait à reprendre son rôle de 1789, interrompu par la république, par un long emprisonnement, par l’empire, et par une retraite de plus de dix années dans la solitude.

Il sentit que les événemens l’appelaient, comme il l’avait senti dans sa jeunesse, comme il devait le sentir encore en 1830 avant de mourir ; et il n’hésita pas à redevenir un homme d’action.


Bardoux.