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ne possédons-nous que des notions insuffisantes sur les procédés usités dans les arts et métiers des anciens.

La méthode expérimentale des modernes a relié ces pratiques en corps de doctrines et elle en a montré les relations étroites avec les théories auxquelles elles servent de base et de confirmation. Mais cette méthode était à peu près ignorée des anciens, sinon en fait, du moins comme principe général de connaissances scientifiques. Leurs industries n’étaient guère rattachées à des théories, si ce n’est pour les mesures de longueur, de surface ou de volume, qui se déduisent immédiatement de la géométrie, et pour les recettes de l’orfèvrerie, origine des théories, en partie réelles, en partie imaginaires, de l’alchimie. On s’est demandé même si les formules industrielles n’étaient pas conservées autrefois par voie de tradition purement orale et soigneusement réservée aux initiés. Quelques bribes de cette tradition auraient été transcrites dans les notes qui ont servi à composer l’histoire naturelle de Pline et les ouvrages de Vitruve et d’Isidore de Séville, non sans un mélange considérable de fables et d’erreurs ; mais la masse principale de ces connaissances aurait été perdue. Cependant, un examen plus approfondi des ouvrages qui nous sont venus de l’antiquité, une étude plus attentive de manuscrits,» d’abord négligés, parce qu’ils ne se rapportent ni aux études littéraires ou théologiques, ni aux questions historiques ordinaires, permet d’affirmer qu’il n’en a pas été ainsi : chaque jour nous découvrons des documens nouveaux et considérables, propres à établir que les procédés des anciens industriels étaient alors, comme aujourd’hui, inscrits dans des cahiers ou manuels d’ateliers, destinés à l’usage des gens du métier et que ceux-ci se sont transmis de main en main, depuis les temps reculés de la vieille Égypte et de l’Égypte alexandrine, jusqu’à ceux de l’empire romain et du moyen âge.

La découverte de ces cahiers offre d’autant plus d’intérêt que l’emploi des métaux précieux chez les peuples civilisés remonte à la plus haute antiquité ; or la technique des orfèvres et des joailliers anciens ne nous est révélée tout d’abord que par l’examen même des objets parvenus jusqu’à nous. Les premiers textes précis et détaillés qui décrivent leurs procédés sont contenus dans un papyrus égyptien, trouvé à Thèbes et qui est actuellement au musée de Leyde.

Ce papyrus date du IIIe siècle de notre ère ; il est écrit en langue grecque. Je l’ai traduit il y a quelques années (Introduction à la Chimie des anciens et du moyen âge, p. 3 à 73), et je l’ai rapproché, d’une part, de quelques phrases contenues dans Vitruve, dans Pline et autres auteurs sur les mêmes sujets ; et, d’autre part, des ouvrages alchimiques grecs, datant du IVe et du Ve siècle ;