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matières qui y sont employées : pierres, minéraux, salaisons, herbes ; nous avons dit où elles se trouvent, quel parti on tire des résines, oléo-résines, terres ; ce que sont le soufre, l’eau noire, les eaux salées, la glu et tous les produits des plantes sauvages et venues par semences, domestiques et marines ; la cire des abeilles, l’axonge, toutes les eaux douces et acides ; parmi les bois, le pin, le sapin, le genièvre, le cyprès,.. les glands et les figues. On fait des extraits de toutes ces choses avec une eau formée d’urine fermentée et de vinaigre, mêlés d’eau pluviale. »

Ces énumérations et descriptions caractérisent la nature des connaissances recherchées par l’écrivain et conservent la trace de traités antiques de drogues et minéraux, analogues à ceux de Dioscoride, mais plus spécialement destinés à l’industrie. Par malheur, nous n’en avons plus guère ici que des titres et des indications sommaires, pareilles à celles qui figureraient au calepin d’un ouvrier teinturier, mettant bout à bout des indications puisées dans des auteurs différens, ou dans des cahiers d’atelier. Plusieurs des mots spécifiques qui y sont contenus manquent dans les dictionnaires les plus complets, tels que ceux de Forcellini et de Du Gange ; mais il ne m’appartient pas d’insister sur cet ordre de considérations, non plus que sur la grammaire étrange de ces textes incorrects, où les accords de genres, de cas, de verbes, n’ont plus lieu suivant les règles de la grammaire classique. Nous avons affaire à un latin barbare, écrit à une époque de décadence, avec des diversités très apparentes d’orthographe et de dialectes, ou plutôt de patois et de jargon. Certains ont été écrits primitivement en grec, puis transcrits en lettres latines, probablement sous la dictée, par un copiste qui n’entendait rien à ce qu’il écrivait. Ce dernier trait accuse l’origine byzantine des recettes. Constantinople, en effet, était restée le grand centre des arts et des traditions scientifiques. C’est de là que les orfèvres italiens, qui utilisaient les procédés ici décrits, tiraient leurs pratiques ; mais elles remontent, en général, presque toutes à l’antiquité.

Notons particulièrement les mots ; eaux salées, eaux douces et acides, eau formée d’urine fermentée et de vinaigre, parce que ces mots désignent les commencemens de la chimie par voie humide. Ils figurent déjà dans Pline et dans les auteurs anciens, avec les mêmes destinations. Ce sont toujours des liquides naturels, ou bien les résultats de leur mélange, avant ou après décomposition spontanée. Mais il n’y est pas fait mention des liquides actifs obtenus par distillation, et qui portent le nom d’eaux divines ou sulfureuses (c’est le même nom en grec), liquides qui jouent un si grand rôle chez les chimistes gréco-égyptiens, et qui sont devenus l’origine de nos acides, alcalis et autres agens ; ils n’étaient