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(régiment du roi) se termine régulièrement par des vive l’empereur ! C’est aux mêmes cris que le 22 juillet des dragons défilent rue du Bac, que le 30 août s’assemblent les sapeurs-pompiers de la ville de Paris, que pendant des mois, dans les provinces, des régimens prennent les armes, se rendent aux champs de manœuvres ou traversent les villes. Le 3 juillet, à Hesdin, les habitans répondent aux vivats des cuirassiers du 7e en criant : Vive le roi ! Les cavaliers furieux les chargent et les dispersent à coups de plat de sabre. Le 22 juillet, un détachement d’infanterie de passage à Orgon apprend les insultes que l’empereur y a subies en allant à l’île d’Elbe. Les soldats commencent à saccager le bourg. Les habitans s’arment, la poudre parle, le sang coule. Le 6 septembre, à Bordeaux, pendant une revue de départ, un bataillon se forme pour défiler. Au commandement de : en avant ! marche ! les hommes font front, posent leurs armes à terre, et d’une seule voix crient : Vive l’empereur !

La vieille garde, fidèle comme elle l’avait toujours été au devoir militaire, ne se laissait pas entraîner à des actes d’indiscipline. Mais sa tristesse profonde et continue décelait ses sentimens. Les regrets et les rancunes que ces vieux soldats renfermaient stoïquement en eux-mêmes leur rongeaient le cœur. Dans les revues des différentes garnisons, le duc de Berry avait entendu, mêlés à quelques acclamations, plus d’un vivat séditieux. À Metz et à Nancy, les grenadiers et les chasseurs gardèrent un silence farouche. Plusieurs de ces vétérans réclamaient leur congé définitif. Le prince interpella un chasseur décoré qui comptait vingt-huit ans de services : — « Tu n’as plus que deux ans à faire pour avoir ta retraite. Pourquoi veux-tu quitter l’armée ? » — « Monseigneur, répondit le vieux soldat, c’est parce que notre père n’est plus là. »

Le 15 août, on fête bruyamment la Saint-Napoléon dans les casernes de Cherbourg, de Brest, de Besançon, de Sarlat, de Montpellier, d’Arras, de Boulogne, de Landau, de Luxembourg. À Metz, les canonniers veulent tirer une salve. À Paris, les officiers boivent « au Tondu » chez Véry et autres restaurateurs ; à Rouen, le quartier de cavalerie est illuminé. Dix jours plus tard, pour la Saint-Louis, le ministre de la guerre et les municipalités s’efforcent d’exciter l’enthousiasme des troupes en ajoutant à l’ordinaire. À Paris, chaque soldat reçoit 80 centilitres de vin ; à Belfort, une livre de pain, une livre de viande et un litre de vin ; à Strasbourg, on donne de l’eau-de-vie. Le soldat mange bien et boit bien, mais ses sentimens n’en sont guère modifiés. Après avoir vidé nombre de futailles et assisté à un feu de joie en l’honneur du roi, la garnison de Périgueux brûle toutes les barriques vides en disant : « — Voilà un feu de joie pour