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d’ailleurs ne résistent que pour la forme, à crier avec eux : Vive l’empereur ! À Saint-Brieuc, une bande de forcenés envahit l’église au milieu de l’office en proférant ce même cri. À Auxerre, la foule promène un mannequin représentant Louis XVIII affublé d’une jupe de femme.

On colporte des chansons bonapartistes. Il circule des médailles, des pièces de monnaie à la double effigie de Napoléon et de Marie-Louise, portant au revers : « Courage et espérance. » D’autres représentent une aigle endormie ayant en exergue : « Elle se réveillera ! » D’autres, un lion sommeillant, avec cette légende : « Le réveil sera terrible. » L’architecte chargé d’élever à Calais la colonne commémorative du débarquement de Louis XVIII reçoit une lettre anonyme où on lui conseille de faire cette colonne à roulettes afin qu’elle puisse suivre le roi quand il partira de nouveau pour l’exil. On affiche ces placards : « Amis du grand Napoléon, réjouissez-vous. Nous l’aurons sous peu de temps ; les royalistes tremblent. » — « Vive l’empereur ! Il a été et il sera. » — « Français, réveillez-vous ! Napoléon s’éveille[1]. » Les paysans, comme les ouvriers des grandes villes, croyaient au retour prochain de l’empereur. Le bruit se répand, le 12 juillet, dans les départemens de l’Est, que Napoléon est en route ; on dit qu’à Lyon on a déjà quitté les cocardes blanches. Un policier reproche à un marchand de tabac de n’avoir fait mettre qu’une légère couche de peinture sur les armes impériales qui décoraient sa boutique. « — Eh ! répond l’homme en riant, comme ça, j’aurai moins de peine à les rétablir. »

À côté des bonapartistes qui manifestent ouvertement leur opinion, qui parlent tout haut de Napoléon, qui annoncent sans cesse son retour, qui affichent des placards, qui chantent la Marseillaise, qui insultent les emblèmes royaux, qui crient : Vive l’empereur ! au défilé des troupes et à la barbe des policiers ; à côté des

  1. Parmi ces placards, il est curieux de citer celui-ci qui fut affiché à Bourges. (Rapport au roi sur la situation politique, 28 décembre, Arch. de la guerre.)
    PIÈCE NOUVELLE AU BÉNÉFICE DE L’ANGLETERRE.

    Directeur : Le Régent.
    Premier rôle : Napoléon.
    Jeune premier : Le prince Eugène.
    Première doublure : Le duc de Berry.
    Rôle à manteau : Louis XVIII.
    Son confident : (Le confesseur du roi ne l’a pas encore trouvé.)
    Les tyrans : Ferdinand IV et Ferdinand VII.
    Les traîtres : Marmont, Moncey et Cie.
    Le Niais : L’empereur d’Autriche.
    Premier figurant : Le roi de Prusse.
    Cœurs : suivant l’aigle à l’île d’Elbe.
    Le Souffleur : Chateaubriand.
    Le grand machiniste : Talleyrand.
    Changemens à vue : Les maréchaux de France.