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correct, impartial, représentant les intérêts permanens du pays, accueillant tout le monde dans ses voyages, les chefs du clergé, comme les municipalités, mesurant son langage avec le tact d’un esprit simple et loyal.

Il n’a pas parlé l’autre jour à la cérémonie du Panthéon ; mais il avait parlé, il y a quelques semaines, à Chambéry pour le centenaire de la réunion de la Savoie et il avait saisi l’occasion de s’élever contre les « vaines querelles, » de faire appel à l’union, à la paix des esprits. Il a parlé plus récemment encore à Montmorillon devant les chefs de cette armée « étrangère aux agitations des partis, » selon l’expression de M. le ministre de la guerre à ces manœuvres du centre, qui ont une bien autre importance que tous les anniversaires, que toutes les polémiques bruyantes, et il a dit le mot d’une situation : « L’école de l’armée élève les mœurs de la nation. Quittant le rang, le soldat porte dans ses foyers les sentimens dont il s’est pénétré au contact du drapeau : les vertus du soldat, le respect de la discipline, la religion du drapeau ; l’armée grandit le citoyen ! » Rien, certes, de plus virilement juste et de plus patriotique. Et M. le président de la république a parlé aussi à Poitiers, au banquet qui lui a été offert par la municipalité, où des députés conservateurs se sont rencontrés sans embarras avec des républicains, où il n’a été question que de rapprocher les esprits, de faire accepter et aimer la république. M. le maire de Poitiers avait donné l’exemple par un discours plein de sentimens de conciliation ; M. le président de la république l’a suivi résolument, invoquant l’autorité du pays « qui veut voir partout réalisée cette unité morale dont notre chère armée donne un si admirable exemple, qui impose la paix politique, grâce à laquelle toutes les volontés pourront se tourner vers les réformes qu’attendent ceux qui travaillent ou ceux qui souffrent. » Et il n’a point hésité à ajouter, avec une droiture presque cou- rageuse aujourd’hui, que « les réformes ne s’improvisent pas, qu’elles s’imposent encore moins par la violence, qu’elles ne peuvent sortir que d’une étude attentive et soutenue, du consentement universel,., que c’est seulement dans la paix des esprits qu’on peut aborder utilement ces problèmes du travail et faire la part de la liberté comme celle de la solidarité… »

On n’a en vérité que le choix des bonnes paroles, mais voici une difficulté qui est déjà apparue plus d’une fois, qui reparaît sans cesse. Comment se fait-il qu’il y ait parfois dans notre vie publique française de si singuliers contrastes ? Ici on évoque, pour s’en glorifier, les plus sombres souvenirs de guerre civile, là on n’invoque que l’union ; ou bien les paroles ne respirent que la paix et les actes semblent trop souvent n’être que la continuation d’un système de vexations inutiles, de représailles acrimonieuses et de suspicion. M. le président de la