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plan imprudemment discuté par eux en présence d’un informer qui avait réussi à capter leur confiance et que l’on sait maintenant être un agent politique du sénateur Hill. On fait grand bruit de cette bévue ; elle confirme d’ailleurs les appréciations des hommes éminens du parti qui, depuis que la campagne est ouverte, ne dissimulent pas leurs appréhensions et s’expriment sévèrement sur le manque de méthode, de discrétion et d’énergie des membres du comité central. »

Si multiples et variées que soient les combinaisons auxquelles se prête une campagne électorale, la routine y joue un grand rôle. Toutes ces campagnes se ressemblent quant aux modes d’action, quant aux rouages à mettre en mouvement, de même qu’elles se ressemblent quant au but à atteindre. Mais la routine n’est ici que le résultat d’une longue expérience, d’une tradition constante quant à l’efficacité des moyens d’influencer l’électeur. Au premier rang, comme dépense, figure l’envoi de brochures, de journaux, d’imprimés de toute nature. Il semble, de prime abord, que les frais considérables que ces envois occasionnent pourraient être beaucoup réduits et, de l’avis de tous, ils sont excessifs. « C’est, écrit un agent électoral expérimenté, par les discours des orateurs populaires que les argumens contenus dans ces feuilles imprimées atteignent directement les électeurs. Peu d’entre eux ont le loisir ou la patience de lire des brochures. De toutes les publications, les seules qui portent sont celles qui, sous une forme brève, concise, résument les argumens les plus intelligibles pour les masses. » Et il cite, comme modèle du genre, comme exemple à suivre, une carte tirée à des millions d’exemplaires, lors de la dernière campagne présidentielle. Elle était l’œuvre du révérend Burchard et ne portait que ces trois mots : Rum, Romanism, Rebellion. On la distribua à profusion le dimanche qui précédait l’élection, à l’issue des services divins ; on l’afficha sur tous les murs, on la glissa sous toutes les portes. L’élection avait lieu le mardi suivant et cette carte, ainsi lancée à la dernière heure, par le comité républicain que dirigeait M. Blaine, demeurée, faute de temps, sans réplique, rallia au parti républicain nombre d’électeurs jusque-là indécis, persuadés que l’élection du candidat démocrate aurait pour résultat l’accroissement de la consommation des spiritueux, la prédominance du catholicisme et une nouvelle guerre de sécession. « Les trois R, disait l’un des chefs du parti, nous ont donné la victoire dans les États puritains. »

Ce qui rend de plus en plus lourde la dépense des imprimés, ce sont les exigences des sénateurs et des représentans de chacun des deux partis, pour lesquels la campagne présidentielle est une occasion de faire publier, aux frais de la caisse générale, leurs