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n’est pas contrainte de faire pâtir notre commerce intérieur pour les besoins ou les fautes de l’étranger. Libre de donner à volonté de l’or ou de l’argent, elle ne puise dans sa réserve d’or que dans la mesure qui- lui convient : les négocians qui ont absolument besoin d’or pour les envois à l’étranger en obtiennent en payant une prime qui est un obstacle aux spéculations des marchands de métaux, mais qui ne représente, en définitive, qu’une augmentation de l’escompte à laquelle échappe l’ensemble du commerce. L’écart de 2 et quelquefois de 3 pour 100, qu’on voit se produire en notre faveur entre le taux et l’escompte à Paris et à Londres, n’a pas d’autre origine ; mais cet écart est encore un avantage moins précieux pour la majorité des industriels et des commerçans que la stabilité de l’escompte, incessamment variable à Londres et presque immuable à Paris.

La France possède 80 milliards de valeurs mobilières, et ce n’est pas exagérer que d’évaluer à plus de 1 milliard le revenu des valeurs étrangères comprises dans ce chiffre et dont les arrérages sont le plus souvent stipulés payables en or. Ces remises de l’étranger, s’ajoutant au produit de ses exportations, assurent la reconstitution régulière de sa circulation métallique. Son approvisionnement d’argent représente 82 francs par tête, chiffre qui n’est égalé, à beaucoup près, dans aucun pays, et qui assure aux transactions intérieures les plus grandes facilités. Ses prix sont établis sur la base de l’or, comme si elle n’avait pas d’autre monnaie, et elle est à l’abri des brusques et violentes variations du change dont souffrent d’autres pays. Sa situation monétaire est donc unique au monde : pourquoi s’exposerait-elle à la compromettre ? Pourquoi inquiéterait-elle sa population sur la valeur de l’agent le plus fréquent des transactions intérieures ? Pourquoi irait-elle, en rompant l’Union latine, courir le risque de rendre inévitable la démonétisation de l’argent et d’accroître une dépréciation du métal blanc dont les conséquences pèseraient sur elle plus que sur toute autre nation ? Si la France n’a point ressenti les effets du trouble que la moins-value de l’argent a jeté dans la situation monétaire d’un si grand nombre de pays, il est indéniable qu’elle le doit à ce fait que, grâce à l’abondance de ses réserves en or et à la suppression de la frappe de l’argent, elle s’est vue en fait, au regard de l’étranger, au régime de l’étalon d’or. Mettre en péril cette situation, ce serait s’en prendre aux sources vives de la puissance nationale.

Les trois conventions qui se sont succédé depuis 1865 ont toutes imposé au gouvernement français la mission de centraliser et de tenir à la disposition des autres puissances contractantes tous les documens administratifs et statistiques relatifs aux émissions de monnaies, à la production et à la consommation des métaux