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combustibles. L’un de ces vieux auteurs cite, à l’appui de sa théorie, le bois sec et le bois vert, inégalement combustibles, suivant la saison où ils ont été coupés et la dose d’humidité qu’ils renferment.

Rappelons encore que la volatilité et la combustibilité étaient alors confondues et désignées sous le nom de sulfuréité, désignation qui était encore appliquée dans ce sens au temps de Stahl, au commencement du XVIIIe siècle. Ces idées remontent même aux alchimistes grecs, qui appelaient tout liquide volatil et tout sublimé émis de bas en haut du nom d’eau sulfureuse (ou eau divine).

On voit, par là, l’origine de ces préparations si compliquées et si difficiles à comprendre aujourd’hui, usitées chez les anciens chimistes. Ils s’efforçaient de communiquer aux corps les qualités qui leur manquaient, en y ajoutant certaines matières dans lesquelles ces propriétés étaient supposées concentrées. Ainsi du soufre était ajouté au vin pour rendre plus facile, croyait-on, la manifestation de son principe inflammable.

Le premier savant, connu nominativement, qui ait parlé de l’alcool est de date postérieure à la composition des écrits qui précèdent : c’est Arnaud de Villeneuve. On le donne d’ordinaire comme l’auteur de la découverte, prétention qu’il n’a jamais élevée lui-même. Il s’est borné à parler de l’alcool comme d’une préparation connue de son temps et qui l’émerveillait au plus haut degré. Arnaud de Villeneuve l’a consignée dans son ouvrage intitulé : de Conservanda Juventute, « Pour rester jeune ; » ouvrage écrit vers 1309.

« On extrait, dit-il, par la distillation du vin, ou de sa lie, le vin ardent, dénommé aussi eau-de-vie. C’est la portion la plus subtile du vin. »

Puis, il en exalte les vertus : « Discours sur l’eau-de-vie. Quelques-uns l’appellent eau-de-vie. Certains modernes disent que c’est l’eau permanente, ou bien l’eau d’or, à cause du caractère sublime de sa préparation. Ses vertus sont bien connues. » Il énumère ensuite les maladies qu’elle guérit : « Elle prolonge la vie, et voilà pourquoi elle mérite d’être appelée eau-de-vie. On doit la conserver dans un vase d’or ; tous les autres vases, ceux de verre exceptés, laissent suspecter une altération. » Puis il signale les alcoolats : « En raison de sa simplicité, elle reçoit toute impression de goût, d’odeur et autre propriété. Quand on lui a communiqué les vertus du romarin et de la sauge, elle exerce une influence favorable sur les nerfs, etc. »

Le pseudo Raymond Lulle, auteur plus moderne qu’Arnaud de Villeneuve, parle avec le même enthousiasme de l’alcool. Il décrit