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suivant sa conception particulière du beau dans l’uniforme. Et c’est là le premier pas dans la fantaisie de ces légions, que la nature a douées d’un si joli talent pour la musique instrumentale.

La curieuse brochure qu’on écrirait sur le recrutement, le fonctionnement, l’administration, les mœurs et les coutumes de certains corps militaires de l’Amérique du Sud !

— Oh ! les revues mensuelles du 4 sur la grande place, où le colonel, qui touche tant par homme, mais doit justifier de son effectif, fait entrer tous les gars de bonne volonté qu’on a racolés la veille, enchantés d’aller parader une heure ou deux sous une défroque glorieuse et de toucher quelques sous pour cette joie : « Présent Filiberto ! Présent Eduardo ! Présent Gregorio ! » Ils sont tous présens ! ils sont payés pour cela. — Et tant d’autres choses charmantes ! — Mais l’espace nous manque.

À l’encontre de ce qu’on pourrait croire, les soldats du Pérou, de Bolivie, etc., sont loin d’être malheureux. Étant fort peu nombreux, ils touchent effectivement, car l’éclat de leur rôle ne les éblouit pas au point de les aveugler sur leurs intérêts, une solde représentant à peu près le salaire d’un ouvrier du pays. Quant aux officiers, payés sur le même pied que les nôtres, ils sont par le fait plus avantagés, l’existence, tout balancé, étant moins coûteuse pour eux.

Nous avons une très jolie locomotive, tout écussonnée, toute en couleur ; une locomotive comme il en conviendrait pour le voyage d’une jeune princesse allant chercher son futur époux. Le dôme à vapeur est même illustré d’une peinture représentant des Indiens à plumes ondoyantes, à grands manteaux ; quelque scène de la conquête évoquant le souvenir de Pizarre et de sa poignée d’aventuriers et des héros indigènes que Marmontel a si bien défigurés dans son médiocre livre des Incas. Le train se compose d’un wagon de première classe, d’un wagon de seconde classe et de deux wagons de marchandises. Notre voiture intérieurement est très décorée, très brillante. Elle contient trente ou trente-cinq voyageurs, assis deux par deux sur deux rangées longitudinales de fauteuils, séparées par une étroite allée médiane.

À dix heures et demie, un coup de sifflet et, pendant une minute ou deux, l’indispensable tocsin. Nous sommes déjà loin de Mollendo,

Mes compagnons de route constituent un fragment de la bonne société péruvienne auquel ne se mêlent que quelques étrangers, car les pèlerins à destination de Bolivie ne commencent guère qu’à Arequipa. L’impression qu’ils donnent à première vue est tout à l’avantage de leur nation, qui passe pour la plus policée de