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et le Portugal. Croit-on que ce soit à l’avantage de ces pays, ou simplement à notre avantage ? La question de nos rapports avec l’Espagne est fort délicate. Ce pays avait trois tarifs : un tarif général, qui équivaut presque à la prohibition, un minimum, qui est plus élevé que le nôtre, et un conventionnel, qui liait l’Espagne avec l’Angleterre et certaines autres puissances jusqu’au 30 juin, et qui a été du reste prorogé, mais dont elle refusait de faire bénéficier les produits français. Il n’était donc pas possible d’appliquer à ses expéditions chez nous le tarif minimum ; les deux pays, depuis le 1er février, se sont trouvés réciproquement placés sous le régime des tarifs généraux. Mais cette situation était fort regrettable, des deux côtés de la frontière les réclamations et les plaintes s’élevaient très vives, les viticulteurs français seuls paraissant satisfaits. Un accord est intervenu le 27 mai, et les deux pays sont convenus d’appliquer provisoirement à leurs produits réciproques leur tarif minimum. Seulement il est quelques articles du tarif minimum espagnol qui nous paraissent à bon droit trop élevés ; et l’Espagne, de son côté, réclame un adoucissement aux droits de notre tarif minimum concernant les vins. Les négociations sur ces divers points n’ont guère fait de progrès jusqu’à ce jour. Elles ne seront reprises et sérieusement poursuivies que lorsque le parlement français aura décidé, à propos de la convention commerciale franco-suisse, si, oui ou non, il peut être fait une retouche au sacro-saint tarif minimum de notre nouveau régime douanier.


III.

Tout économiste qui, aujourd’hui, prend la plume pour réfuter quelqu’une des erreurs ou quelqu’un des sophismes de l’école protectionniste, croit devoir se défendre tout d’abord, et, très vivement, de l’intention de rouvrir le classique débat entre le libre échange et la protection. Dans cette Revue même, M. Charles Lavollée, en mars de l’année dernière, M. Paul Leroy-Beaulieu, en février de cette année, n’ont pas manqué de s’abriter derrière cette précaution oratoire au moment d’entamer l’attaque contre l’œuvre douanière du parlement. Aux États-Unis, M. Cleveland, qui vient d’être élu président avec une énorme majorité et qui est un adversaire résolu du protectionnisme genre Mac-Kinley, a une appréhension, qui semble parfois excessive, d’être pris pour un vulgaire disciple de Cobden. Il déclarait hautement, il y a quelques semaines, dans sa lettre d’acceptation de la candidature présidentielle, qu’il abhorrait le spectre du libre échange.

C’est qu’en effet, dans la discussion engagée pendant de longs