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PAYSAGES DES TROPIQUES

LE RAVIN DE NITLA.


I.

Mornes, silencieux, nous avancions avec lenteur dans le labyrinthe de la forêt de Métlac, contournant ses arbres séculaires aux feuilles en ce moment pendantes, plissées, flétries. Haletans, nous respirions avec effort un air sec, surchauffé, qui nous arrivait en ligne directe des plaines sablonneuses de la Mistèque, le pays des cactus, de la cochenille, des grands troupeaux de chèvres. Cet air brûlant nous étreignait les tempes, nous fendillait les lèvres, nous les rendait saignantes. J’ouvrais la marche, l’Indien de race totonaque Désidério me suivait immédiatement, et, derrière lui, marchait son fils Dizio. Je ne sais quelle était ma mine ; quant à celle de mes compagnons, elle m’attendrissait. Ils cheminaient la tête basse, très basse, plus courbés que de coutume sous le poids relativement léger de notre attirail de campement, équilibré sur leur dos. Nous approchions des montagnes qui, vers le couchant, séparent la province mexicaine de Vera-Cruz de celle d’Oajaca ; nous étions en plein désert.

Donc le vent du sud, violent, intermittent, embrasé, desséchant, soufflait depuis quarante-huit heures, et, en vérité, il nous fallait une force d’âme peu commune pour résister à la continuelle et impérieuse tentation d’avoir recours à nos gourdes. Mais l’eau tiède qu’elles contenaient, laborieusement recueillie la veille entre les