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pour qu’elle fût appliquée aux pornographes du feuilleton aussi bien qu’aux épouses coupables[1]. Eux aussi, affirmait-il, tombent sous la loi du retranchement. Ici encore, foin du pharisaïsmel ce n’est pas un défaut français, et nous avons assez des nôtres sans emprunter ceux de nos voisins. Ici encore, y a-t-il une tradition, une filiation, c’est chez nous. Aryens, fils de Rome et de la Grèce, que les eaux du baptême n’ont pas purifiés. Cette veine de corruption, cette moisissure morale qui va s’élargissant et s’étalant à la surface de nos sociétés, elle remonte loin chez nous : de la littérature secrète du XVIIIe siècle, à la Renaissance, au moyen âge, à l’antiquité. Si l’Angleterre de la restauration n’avait eu son théâtre, et l’Italie du Quattro ou du Cinque cento ses conteurs et son divin Arétin, on pourrait croire que c’est encore là un produit de l’esprit gaulois ; d’aucuns diraient de l’esprit latin. D’où vient-elle, en réalité, cette abjecte littérature, tout ensemble grossière et raffinée, hymne impudique à la glorification des voluptés réprouvées par l’Église et par la Synagogue ? Elle vient du néo-paganisme, du culte restauré de la chair et des sens, auxquels cèdent à la fois le Juif déjudaïsé et le chrétien déchristianisé. Pour s’en laver et s’en guérir, ils n’auraient tous deux, Juif et chrétien, qu’à se replonger, au pied de l’Hermon, dans les eaux frigides des sources du Jourdain.

Ne nous flattons point ; tout, pour le Juif, n’est pas bénéfice dans son rapprochement avec nous. Comme aux Orientaux, chrétiens ou musulmans, le brusque contact avec notre civilisation lui est souvent funeste. En même temps que la contagion de nos idées, il subit l’infection de nos vices. Contre ces maladies-là, il n’a pas d’immunité. Ce n’est point la faute de sa morale ; la morale juive est la même que la morale chrétienne. Elle n’en diffère que par des nuances ; elle est fondée sur la même foi en Dieu et sur le même décalogue. Ce qui est vrai du Juif, peut-être encore plus que du chrétien, c’est qu’en abandonnant les rites et la foi de ses aïeux, il garde rarement intacte la morale incorporée à cette foi et enveloppée dans ces rites, comme l’amande dans la noix. Cela est vrai surtout de la morale des sexes, de la chasteté, frêle vertu qui, pour résister à l’orage des passions, semble avoir besoin d’un support religieux et comme d’un tuteur divin.

Il y a un peuple qui aurait peut-être plus de raison que nous d’accuser le Juif d’avoir travaillé à sa corruption. C’est l’Allemagne. Israël a tenu, dans la littérature et dans la vie intellectuelle de nos voisins, une place plus large qu’en France. Au pays de Heine, de

  1. Al. Weill, le Lévitique, p. 109-113. Paris, 1891.