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EN TURQUIE

L’ILE DE CHIO.

PREMIERE PARTIE.


I.

Lentement, avec un bruit d’hélice lourde et des bouffées haletantes de fumée noire, la Séléné dérâpe de son mouillage, dans le port du Pirée. Comme tous les paquebots du Lloyd, qui descendent de Trieste et qui vont, d’escale en escale, le long de la côte albanaise, malgré les rafales méchantes de la mer Adriatique, ce paquebot a des formes larges et une allure pesante. La ligne courbe du Pirée, les maisons blanches, aveuglantes sous le soleil d’été, la forêt compliquée des mâts, la multitude bariolée des petites barques amarrées au quai, s’éloignent. L’eau calme clapote doucement, et l’hélice fait bouillonner à la surface des lames une traînée d’écume. Dès que nous avons dépassé les deux fanaux qui marquent l’entrée de la rade, et doublé le petit cap où une batterie inoffensive aligne deux ou trois canons qui ressemblent à des joujoux, la côte, nue sous le ciel torride, allonge, sur le bleu sombre de la mer, une bande