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disputer des goûts ; que, s’il y en a d’inoffensifs, dont la singularité n’est pour nuire à personne, il y en a de dangereux ; et jamais, sans doute, enseignement ne fut plus utile ni plus actuel. On n’apprend que de l’art même à en passer les limites, et il n’est permis de violer la Grammaire qu’en laissant voir encore en la violant qu’on saurait l’observer au besoin.

Voilà sans doute une belle transition pour passer de la Grammaire des arts du dessin à l’Art du rire et de la caricature[1], de M. Arsène Alexandre, si la caricature, ou, comme il la définit, « l’art de faire rire par le dessin » n’est un art, à vrai dire, qu’autant qu’il implique une connaissance approfondie du dessin. Quelques caricaturistes l’ignorent, je le sais bien, qui n’en sont pas moins en réputation ; mais aussi le rire qu’ils excitent est-il tout à fait analogue au rire inintelligent, que soulève le vaudeville ou la chanson de café-concert. Ce n’est pas le lieu d’insister. Bornons-nous donc à dire ici qu’après tant de livres ou d’essais récemment parus sur ce sujet de la caricature, on ne feuillettera celui de M. Arsène Alexandre ni sans plaisir, ni sans quelque profit. Puisqu’en effet on ne saurait esquisser l’histoire de la caricature, depuis le temps des Grecs, ou des Égyptiens même, jusqu’à ceux du Chat Noir et du Courrier français sans rencontrer l’occasion de toucher à beaucoup de choses, très diverses, et qui, pour n’être pas à l’usage des


… petites filles
Dont on coupe le pain en tartines…


n’en sont pas moins intéressantes, c’est un moyen de divertissement, et parfois d’instruction que l’auteur de l’Art du rire et de la caricature n’a eu garde de négliger. Les anecdotes, les traits de mœurs abondent dans son livre ; et si, de loin en loin, le tour ou le ton en paraissait un peu vif, il le fallait, — pour que le texte ne différât pas trop du caractère de l’illustration.

On demandait un jour à un acteur où il se procurait les chapeaux invraisemblables dont il aimait à coiffer les héros des vaudevilles de Labiche et de Gondinet, et il répondait : « Mais ce sont les anciens,.. que je conserve. » Cette réponse est pleine d’une philosophie qu’on ne peut s’empêcher d’admirer quand on passe du livre de M. Arsène Alexandre à celui de M. Henri Bouchot : le Luxe français[2] sous le premier

  1. L’Art du rire et de la caricature, par Arsène Alexandre, avec 300 fac-similés en noir, et 12 planches en couleurs, d’après les originaux, 1 vol. in-8o ; ancienne maison Quantin.
  2. Le luxe français. L’empire, par M. Henri Bouchot. Illustration documentaire, d’après les originaux de l’époque, 1 vol. grand in-8o ; tiré à mille exemplaires numérotés. Librairie illustrée.