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but ; la facilité de l’exploitation doit jouer un rôle aussi ou plus grand que la fertilité même du fonds. Les domaines albergés en Dauphiné doivent du 7e au 18e des grains, tandis que des vignes de Franche-Comté sont louées pour le tiers des fruits, en 1278. Selon qu’on mettait au XVIIIe siècle plus de terres en valeur qu’on ne mettait d’enfans au monde, ou au contraire selon que les progrès de la population dépassaient l’essor du défrichement, les conditions du fermage sont plus douces ou plus dures. La Normandie rentrait dans ce dernier cas. Dans le Calvados, les terres produisaient moyennement onze hectolitres de blé à l’hectare, sur lesquelles le fermage en prenait sept, les deux tiers (1290).

Évalué en grain, le fermage n’est, de 1301 à 1350, que de 125 litres de blé par hectare, pour l’ensemble de la France, et, de 1351 à 1400, de 92 litres seulement ; de 1451 à 1500, il tombe à 85 litres. Partout la part du maître dans le produit brut du sol diminue au XVe siècle : au lieu de 18 gerbes sur 100 que les habitans d’Ambleny devaient au chapitre, il est convenu (1416) qu’ils n’en donneront plus que 12 ; dans la Provence et le Comtat-Venaissin, les redevances descendent jusqu’au 24e des fruits seulement. Les locations varient, aux environs de 1500, du 8e au 20e du rendement, dans le Poitou, le Dauphiné, la Bourgogne.

On se rend nettement compte de la hausse positive du fermage, quand on voit, dans l’Yonne, un domaine de 206 hectares, loué en 1487 moyennant 50 litres de grains (moitié froment et moitié seigle) par hectare, et qu’on retrouve le même domaine affermé, en 1666, pour 100 litres de froment et 30 litres de méteil par hectare ; c’est-à-dire pour beaucoup plus du double, puisque la plus-value porte non-seulement sur la quantité, mais aussi sur la qualité des redevances.

Il faut d’ailleurs distinguer, aussi bien dans la période du moyen âge que dans la période moderne, les terres incultes des terres déjà en valeur, et cela n’est pas toujours aisé en présence du silence des baux. En pays moyennement riche, il y a deux cents ans, on ne trouve pas de terres neuves à moins du sixième du produit à venir ; en pays pauvre, on en obtient pour un 40e de la semence ; en tout cas, on ne donne jamais au propriétaire plus du 20e ou du 15e. C’est la règle dans les désertes parties du Limousin ; pendant que, dans la même province, les bourgeois de Brive afferment, dès 1521, leurs vignes en plein rapport pour le quart et le tiers du rendement.

Cette différence entre l’infime redevance originelle de la terre à l’état sauvage, et la location avantageuse de la terre définitivement labourée, n’est autre chose que le bénéfice du ou des fermiers primitifs. Le bénéfice réalisé, l’affaire a perdu son côté aléatoire, il