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le baptême des enfans issus de mariage mixte ? M. Geffcken a déjà dit tout cela ; il a déjà dit, au moins en substance, tout ce que le diplomate raconte sur l’attitude hostile du pape envers l’Allemagne et l’Italie, sur son attitude complaisante envers la Russie et la France.

Le rédacteur anonyme de la Contemporary Review se borne à verser au débat deux pièces, un bref du cardinal Lambruschini, secrétaire d’État de Grégoire XVI, à propos des mariages mixtes en Hongrie ; une lettre d’un personnage qui n’est pas plus clairement désigné, relative au vote du septennat militaire allemand. Quand je dis « verser au débat, » c’est, pour cette pièce, une figure, car le diplomate y fait bien une allusion triomphante ; mais il n’a garde de la produire, et comment la produirait-il, puisqu’elle n’a jamais existé ? Ces deux pièces, l’une fausse, l’autre détournée de son sens, c’est ce qu’il y a de plus neuf dans l’article de l’anonyme, rapproché, comme il faut le faire, de la brochure de M. Geffcken.

Le reste, au fond, est identique. Si Léon XIII tient ainsi rigueur à la triple alliance, même représentée à sa cour par le blanc agneau autrichien, c’est qu’il n’a rien à en attendre pour le succès de sa politique ; s’il réserve tous ses sourires à cette France qui, loin d’être « l’Eldorado du catholicisme, » est à l’heure présente « le plus grand ennemi de l’Église, » c’est qu’il a tout à en attendre pour le succès de sa politique. Et quel est le but de cette politique ? Dans l’espoir de reconquérir quelques kilomètres carrés de souveraineté territoriale, Léon XIII « affirmera » et « se démentira, » « professera de nouveaux principes, » « inventera de nouvelles explications, » à des doctrines séculaires, abjurera, en France, la théorie du droit divin, la maintiendra énergiquement en Italie. Porrò unwn est necessarium : la restauration du pouvoir temporel.

On se doute bien que M. Bonghi, précédemment qualifié de philosophe platonicien, n’est pas aussi cassant que M. Geffcken, ni aussi « pointu » que le diplomate. Sans leur faire injure, il est homme d’une autre ampleur, d’une autre profondeur, d’une autre indépendance d’esprit. Il ne se fait pas plus qu’eux scrupule de morigéner Léon XIII, mais d’une voix onctueuse et caressante. Il met un peu d’encens au fond de son encrier, émousse la pointe de sa plume et écrit à ce pape lettré une belle épître de lettré. C’est comme la remontrance d’un chanoine paresseux qui se plaindrait de l’heure matinale de l’office, de l’ignorance des moines et de la grossièreté des chantres. M. Bonghi se fait petit, tout petit : « Ne regardez pas, très saint-père, à l’incommensurable distance qui