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universel à des conditions d’âge et de résidence ? Exigerait-on des garanties de capacités, ne fût-ce que l’instruction la plus élémentaire, savoir lire et écrire ? Attacherait-on l’électorat à l’habitation, comme en Angleterre ? Serait-on pour le vote unique ou pour le vote « plural, » c’est-à-dire pour un double vote accordé aux pères de famille ? Catholiques, libéraux, droite, gauche modérée, extrême gauche, chacun a porté son idée ou sa chimère. C’est le conflit ouvert entre tous les systèmes qui ont été passés en revue, sans qu’on ait paru plus avancé jusqu’à ces derniers jours. Le chef du ministère, M. Beernaert, et M. Frere-Orban semblaient pourtant tout près de s’entendre sur une combinaison mixte, lorsque tout à coup a surgi une proposition inattendue de M. de Kerchove, qui consistait tout simplement à ne rien décider dans la constitution et à appliquer provisoirement à l’électorat politique les conditions de l’électorat communal, — en attendant une loi définitive. C’était comme un aveu d’impuissance et un ajournement indéfini de la révision.

Comment se débrouiller dans ce fouillis de propositions et de contre-propositions ? Le plus simple était d’en finir avec une discussion qui ne servait plus à rien, d’en venir sans plus de retard au vote, et c’est ce qui est arrivé. On a procédé par une série d’éliminations. Du premier coup, le suffrage universel pur et simple a été mis hors de combat et rejeté à une immense majorité ; d’autres propositions ont été successivement repoussées. Malheureusement les premiers votes du parlement n’ont pas été reçus sans impatience au dehors. L’émotion s’est promptement répandue dans les centres industriels, comme à Bruxelles. Manifestations et bagarres plus ou moins révolutionnaires ont commencé, et les chefs populaires vont même jusqu’à menacer d’une grève générale. On est aujourd’hui en pleine crise. Ce qu’il y aurait probablement de plus sage pour le parlement serait de se ressaisir dans une dernière délibération, de s’arrêter à une large transaction qui admettrait le suffrage universel avec des garanties, et de délivrer ainsi la Belgique des périls d’une agitation indéfinie.


CH. DE MAZADE.


LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

Depuis la constitution du nouveau ministère et la séparation des chambres, la rente 3 pour 100 a subi un assez vif mouvement de baisse qui l’a ramenée de 97 francs aux environs de 96. C’est moins à la