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L’antithèse entre çoûdra et ârya — Arya embrassant les trois hautes castes — est consacrée dans la littérature des Brâhmanas. Une foule d’indices trahissent entre les deux termes, non pas une simple inégalité de rang, mais la lutte autrement profonde de deux traditions religieuses. Les hymnes védiques nous montrent cette lutte en pleine action.

Le mot varna, — littéralement couleur, — passe pour être eu sanscrit le nom de la caste. J’aurai, à cet égard, des réserves à marquer. Il est certain du moins qu’il sert régulièrement à désigner les quatre castes théoriques. Cette acception n’est pas connue du Veda. Le mot y est en revanche employé dans deux locutions qui s’opposent : ârya varna et dàsa varna, la « race aryenne » et la « race ennemie ». Elles y ont des synonymes encore plus transparais, tels que la peau noire, les hommes noirs. La littérature plus moderne oppose encore parfois la race noire (krishna varna) aux brahmanes. Cette antithèse est donc le prototype, parfaitement équivalent, de celle qui plus tard s’exprime par ârya et çoûdra, ârya varna et çoûdra varna. Par quelque évolution qu’en ait pu ensuite passer l’usage, le mot varna a donc été employé d’abord pour distinguer deux populations différentes et ennemies, caractérisées lune par la blancheur au moins relative, l’autre par la noirceur de sa peau. Si les « varnas âryens » désignent dans la littérature postérieure les trois castes réputées de souche aryenne, l’expression a primitivement été consacrée au singulier : le « varna âryen » a désigné collectivement toute la race claire des envahisseurs.

Il est donc certain que la terminologie du système repose sur un passé diffèrent. Elle enveloppe dans son réseau et façonne à sa convenance des divisions qui, d’origine, correspondent à des notions tout autres, des termes qu’elle a détournés de leur portée première. Retenons l’avertissement.

Quelque idée que l’on se fasse de l’état des choses à l’époque védique, il est incontestable que les hymnes distinguent, dans la population aryenne, trois grandes catégories : les prêtres, les chefs et le peuple ; les prêtres, que, sous des titres variés, nous retrouvons sans cesse occupés aux œuvres du sacrifice et à la composition des chants qui l’accompagnent, — les chefs, que nous suivons dans les combats et dans les assemblées, — le peuple, toujours désigné ; par un pluriel qui le plus souvent nous montre les « clans » qui le composent entourant les chefs à la guerre.

Que, dès lors, les fonctions sacerdotales aient été solidement organisées, protégées contre des intrusions trop faciles, leur complication même nous en est garante ; que, comme partout, le