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partie à son imperturbable sang-froid, à sa patiente souplesse, que le gouvernement dut le maintien de la paix et sa consolidation par l’alliance anglaise.

Cette alliance fut très utile au nouveau règne. Elle facilita sa reconnaissance et lui donna entrée dans le cénacle des gouvernemens légitimes ; elle l’aida à résister à la fois aux ombrages absolutistes et aux pressions démagogiques. Seulement Palmerston en rendit souvent les avantages bien amers. À quelque moment qu’on étudie sa manière d’être à notre égard, on est blessé par la discordance entre la parole et l’acte. La parole est amicale, tout au moins courtoise, l’acte hostile ou désagréable. Tandis qu’une des mains s’ouvre pour l’étreinte, l’autre se ferme pour serrer l’épée. Ce contraste se retrouve dans toutes les affaires traitées avec Louis-Philippe.

La Belgique veut d’abord s’annexer à nous, puis elle offre la couronne à l’un des fils du roi, le duc de Nemours. À cette nouvelle, Palmerston, tout en se déclarant plus que jamais notre ami, fait décider, par la conférence de Londres, dans un protocole secret du 1er février 1831, « que dans le cas où la souveraineté de la Belgique serait offerte à des princes des familles qui régnaient en Autriche, en France, en Angleterre, en Prusse et en Russie, cette offre serait invariablement rejetée. » Talleyrand annonce qu’avant de signer il attendra les ordres de sa cour, Palmerston lui notifie « que le gouvernement anglais exige le refus du roi à la candidature de son fils ; sinon ce sera la guerre. »

Louis-Philippe obéit à l’injonction, refuse la couronne offerte à son fils. Dès lors il ne voit plus aucune difficulté à répondre à un nouvel appel des Belges et à envoyer ses armées les protéger contre les Hollandais. Dès qu’Anvers a succombé, Palmerston, quoique se déclarant de plus en plus notre ami, ne garde pas même les ménagemens dont Canning avait usé à propos de l’Espagne : sans souci des embarras intérieurs de notre ministère, il le somme avec une impatience impérieuse de faire déguerpir nos troupes ; sinon ce sera la guerre.

Cherchant un adoucissement à toutes ces résignations, dont l’opinion publique française n’était pas satisfaite, Talleyrand dit à l’oreille de Palmerston : « N’y aurait-il pas moyen de faire un arrangement par lequel le Luxembourg pourrait être donné à la France ? — Non, répond l’Anglais. — Mais, dit alors Talleyrand, ne pourrions-nous pas au moins obtenir Philippeville et Marien-bourg ? — Pas davantage, riposte Palmerston. Nous ne vous donnerons pas même une vigne ou un potager. »

Il finit par consentir au démantèlement de quelques forteresses dont l’entretien eût coûté trop cher aux Belges, mais en dehors