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acte pareil d’inconscience morale. Si jamais ce malheur était réservé à la France, notre pays aurait perdu le fruit de toute l’énergie dont il a fait preuve quand il s’est relevé des désastres de la cruelle année où il a failli périr. C’est une éventualité qui ne peut pas même être envisagée.


IX

Il ne reste donc, après les réformes dont nous avons dessiné à grands traits le programme, que l’économie à faire, pour arriver à l’équilibre, de beaucoup de lois nouvelles en délibération ou en projet, et que le ralentissement, sinon l’arrêt complet de certaines dépenses, suite nécessaire de lois prétendues protectrices, comme ces nombreuses primes distribuées à beaucoup d’industries, apparaissant en bloc au budget au lieu d’y figurer en dépenses, pour ainsi dire nominativement, au compte des citoyens favorisés qui en jouissent. Les lois qui ont concédé ces primes ne sont pas des contrats, et tout au plus pourrait-on les conserver à titre de garantie d’intérêts, sous réserve de les réduire au taux du jour.

La différence, tout compte fait, après qu’on aura réussi dans les réformes indiquées plus haut du côté des dépenses et du côté des recettes, cette différence, dût-elle être maintenue ou même élevée à une centaine de millions, pourra être très aisément comblée par une élévation sérieuse du droit actuel de consommation sur l’alcool.

Ce droit peut être perçu sur la fabrication libre ou monopolisée, comme on le voudra. Je crains le monopole, parce qu’il aura sans doute des conséquences qu’on se refuse à prévoir ; mais je préfère le monopole à l’abandon de la politique de relèvement du droit sur l’alcool. Il ne faut pas se faire d’illusion sur les résultats hygiéniques et financiers du monopole, qu’il s’agisse d’un monopole restreint à la rectification ou d’un monopole intégral, y compris celui de la vente, comme c’est le cas pour le tabac. La sévérité des lois qu’on se résoudra à faire pour réprimer la fraude sera le premier, peut-être le seul élément du succès. Ce serait d’ailleurs se faire illusion de penser qu’il est plus facile d’organiser la répression de la fraude dans le système du monopole que sous le régime de la liberté. Dans les deux hypothèses la difficulté sera la même.

Il y a cependant dans l’établissement du monopole, même restreint à la rectification, un danger particulier sur lequel on ferme