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de l’impératrice, la complaisance d’un parti puissant, et le devait conduire à cette dignité de maréchal toujours convoitée, son plan lui parut meilleur encore et son parti fut pris sans retour.

Le cabinet du 10 août n’était capable de contredire ni au plan militaire ni au dessein politique. La hiérarchie des influences qui désormais allaient conduire les événemens se fixa dès le premier jour dans ces délibérations communes et régulières où la régente assemblait son conseil des ministres et son conseil privé. Les deux corps ne s’y sentirent pas égaux. Le conseil privé était formé de personnages longtemps les premiers de l’empire : en chacun d’eux était visible quelque portion d’homme d’Etat ; en tous vivait la tradition des grandes affaires, et leur prestige était accru et comme rajeuni par la présence de M. Rouher, qui avait eu le plus de puissance, y avait montré le plus de dons, les avait gardés tous, et dont la carrière semblait interrompue mais non finie. Le cabinet comptait d’anciens fonctionnaires formés aux vertus de l’obéissance et non de la volonté, des députés sans éclat, des hommes novices dans le gouvernement. Leur infériorité fit aussitôt leur dépendance. Sous apparence des délibérations communes entre les seconds et les premiers, ceux-ci donnèrent leur avis et ceux-là le suivirent, et rien ne parut changé à des ministres, qui, dans leurs anciennes fonctions ou à la Chambre, avaient tant de fois reçu les ordres, accepté l’influence, célébré le génie de M. Rouher. C’est à ce résultat et à ce nom que tout devait aboutir. Eloignement de l’empereur, durée de la régence, retour au régime autoritaire, prépondérance de l’homme qui s’était fait le plus habile serviteur du pouvoir absolu, chacun de ces résultats appelait l’autre, et ils apparurent en même temps.


ETIENNE LAMY.