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Tel était l’état de la question au moment où M. de La Valette rejoignit son poste. Que lui recommandaient ses instructions ? Après avoir développé le point du débat, elles ajoutaient : « C’est une affaire très difficile, très délicate et que cependant il n’est pas possible d’abandonner à moins de renoncer à cette protection des couvens latins dans l’Orient que nous assurent les anciens traités, et que certains gouvernemens nous envient d’autant plus qu’en fait elle était interprétée comme le protectorat du catholicisme. »

En se renfermant dans la plus étroite réserve, M. de La Valette employa ses premiers soins à se rendre compte d’une situation si compliquée, à l’éclairer par tous les moyens d’information qu’il put réunir afin de bien envisager les conséquences des démarches qui lui étaient imposées. Cette étude terminée, il en présenta les résultats aux méditations de son gouvernement, dans un rapport développé. « Après un mûr examen de cette grave et épineuse affaire, écrivait-il le 20 mai, j’ai dû me demander en présence de quelles éventualités nous nous trouvons placés… Les usurpations du clergé grec sont un témoignage de notre insuffisance à protéger le culte catholique dans le Levant, et notre silence ou notre abstention équivaudrait à une consécration des faits accomplis… après la publicité donnée à notre réclamation. Nous sommes donc tenus de persister à solliciter de la Porte la reconnaissance nette et précise des capitulations de 1740. Mais il ne faut pas nous dissimuler la vive répugnance de la Porte à nous donner satisfaction… étant convaincue que notre demande la place dans l’alternative de la repousser, quoique parfaitement légitime, ou de porter atteinte, en l’accueillant, à ses relations avec la Russie.

« On avait pensé, au début de cette négociation, que la Russie ne possédant aucun titre pour intervenir officiellement, se bornerait à des démarches officieuses. L’événement a complètement trompé ces prévisions… Contre notre attente, elle est intervenue officiellement. La communication qui vous a été faite à Paris, en dernier lieu, par M. de Kisseleff, ne laisse aucun doute sur les déterminations du cabinet de Saint-Pétersbourg, et on a soin de ne pas les laisser ignorer à Constantinople… » Notre ambassadeur terminait on sollicitant de nouveaux ordres. Ces ordres vinrent et ils ne différaient pas de ceux qu’il avait reçus avant de quitter Paris ; il se mit donc à l’œuvre et entra en communication avec la Porte.

Pour conjurer un conflit aigu et dégager son gouvernement du mieux possible de ces difficultés, l’ambassadeur imagina de faire deux parts de la négociation ouverte par son prédécesseur.