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1866. On espérait bien que ses embarras financiers l’empêcheraient d’entrer immédiatement dans la lutte ; mais on craignait qu’au premier succès des troupes françaises elle ne résistât pas à la tentation d’attaquer de son côté son vainqueur de la veille. Aussi le général de Moltke eut-il soin de laisser en Prusse un corps d’armée prêt, le cas échéant, à tenir tête aux troupes autrichiennes.

C’est ce plan de campagne que M. de Verdy eut à revoir et à mettre au point, sous la direction du vieux Moltke, durant les premiers jours qui suivirent la déclaration de guerre. Le plan, comme l’on sait, obtint aussitôt la pleine approbation du roi ; et le 31 juillet à six heures du soir, M. de Verdy quitta Berlin, en compagnie de Moltke et de tout l’état-major, pour se rendre à Mayence et diriger sur place le progrès de la campagne. Il avait près de lui deux de ses amis, immédiatement placés, comme lui, en qualité de chefs de l’état-major, sous les ordres du général de Moltke : le lieutenant-colonel Paul Bronsart de Schellendorf, qui devait plus tard le précéder au ministère de la guerre, et le lieutenant-colonel Charles de Brandenstein. Ce dernier était spécialement chargé des transports et de la marche des troupes, Bronsart avait à surveiller les opérations ; et M. de Verdy, comme je l’ai indiqué déjà, devait étudier l’attitude des armées françaises.

« Pour ce qui est de la disposition morale où nous nous trouvions, ajoute-t-il, elle répondait naturellement à la gravité de la situation, mais elle était au demeurant assez tranquille, car nous étions certains du succès. Notre ministre actuel des finances, M. Miquel, me rappelait encore l’autre jour une réponse que je lui avais faite à ce moment sur l’issue probable de la guerre : « Vous verrez, lui avais-je dit, que nous viendrons à bout des Français ; mais la chose, malheureusement, nous coûtera beaucoup de sang. » Non pas que nous fussions disposés à déprécier la valeur des vaillantes armées françaises, et des hautes vertus militaires qui leur sont naturelles. Mais nos heureuses campagnes des années passées nous avaient appris tout ce que nous pouvions attendre de nos troupes, et combien nous pouvions mettre de confiance dans leurs chefs. C’est notamment au point de vue de la haute direction que nous considérions notre armée comme supérieure à l’armée française. Notre artillerie aussi nous paraissait plus forte. Nous n’avions qu’une foi très restreinte dans le pouvoir de ces mitrailleuses, dont on nous faisait grand mystère, et dont les Français semblaient attendre des résultats magnifiques. Nous savions que l’empereur Napoléon avait apporté une attention toute spéciale au perfectionnement de son artillerie ; mais l’expérience ne tarda pas à nous montrer que nous avions raison de nous croire, à ce point de vue, supérieurs aux Français. Nous n’ignorions pas, en revanche, que l’infanterie française avait sur la nôtre maints avantages notables ; mais la comparaison des forces