Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 130.djvu/400

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

molécules de ce corps, il n’est plus étonnant qu’un travail effectué par les forces qui agissent sur un système et consommé par ce système, y engendre une certaine quantité de chaleur ; il n’est plus étonnant qu’un travail effectué par le système à l’encontre des forces agissantes entraîne, pour le système, une perte de chaleur ; la production de chaleur par le frottement ou la percussion, la production de travail aux dépens de la chaleur dans les machines à feu, s’expliquent alors sans aucune peine.

Mais il y a plus.

La quantité de force vive acquise sous forme de chaleur par un corps qui consomme du travail doit être exactement égale au travail consommé ; la quantité de force vive du mouvement calorifique perdue par un corps qui produit du travail doit être exactement égale au travail engendré ; donc, il doit y avoir une constante proportionnalité, dans le premier cas, entre la grandeur du travail consommé et la quantité de chaleur produite ; dans le second cas, entre la grandeur du travail engendré et la quantité de chaleur détruite. Le coefficient de proportionnalité mesure combien il faut dépenser d’unités de travail pour produire une unité de chaleur, combien on peut engendrer d’unités de travail en détruisant une unité de chaleur ; en d’autres termes, il indique de combien d’unités croît la force vive du mouvement calorifique qui agite les molécules d’un corps, lorsque la quantité de chaleur sensible contenue dans ce corps augmente d’une unité ; il fait connaître l’équivalent mécanique d’une unité de chaleur.

D’après un écrit publié en 1839 par Seguin, l’oncle de celui-ci, l’illustre J.-M. Montgolfier, aurait remarqué le premier « une sorte de rapport entre la quantité de chaleur dépensée et la quantité de force produite » ; dans les machines à vapeur, la vapeur n’est que l’intermédiaire du calorique pour produire la force, et « il doit exister entre le mouvement et le calorique un rapport direct, indépendant de l’intermédiaire de la vapeur ou de tout autre agent que l’on pourrait y substituer. » Seguin, il est permis de le supposer, interprétait dans le sens des idées qui commençaient à se faire jour en 1839 une proposition que Montgolfier rattachait à des conceptions toutes différentes : Montgolfier, Pierre Prévost nous l’affirme, attribuait à la force expansive du fluide calorifique même les effets mécaniques que l’on a coutume d’attribuer à la pression des vapeurs ou des gaz échauffés.

Le premier qui ait nettement défini l’équivalent mécanique de la chaleur, le premier qui ait indiqué des moyens expérimentaux propres à en déterminer la valeur, le premier qui ait donné de cette valeur une estimation approchée, c’est assurément Sadi Carnot.