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renonciation partielle à l’autonomie doctrinale, sous forme d’entente avec le cabinet viennois ; elle veut aussi que ce groupe, le plus positif en l’état des circonstances, ait pour chef un poète. C’est Ivan Mazuranic, l’auteur de Cengic-Aga. — Mazuranic avait raison : l’heure n’était pas aux réminiscences du ministère Bach, mais à l’option en faveur de l’Autriche. Ce choix conciliait aux Croates les bonnes grâces de la cour, les abritait contre les rancunes des Magyars, surtout leur restituait le contact politique avec la Dalmatie qu’au détriment de l’unité jugo-slave le hasard des événemens leur avait fait perdre.

Tant de dissentimens devaient aboutir à la pire des solutions. C’est à Pesth que, de guerre lasse, la Diète finit par envoyer des délégués. Les négociations commencèrent l’année même de Sadowa, sous le ministère Belcredi. Malheureusement pour les Croates, le temps de la paye blanche est passé. Les Hongrois qui ont temporisé avec Vienne, et pour cause, se pressent moins encore de conclure avec Agram. La sagacité de leurs hommes d’Etat pressent une humiliation de la politique et des armes autrichiennes, l’Ausgleich qui en sera la conséquence, et la soumission des Jugo-Slaves au régime qu’on voudra bien leur accorder. Leur tactique se borne à traîner la discussion, au point d’alarmer la dignité de Mgr Strossmaier, qui abandonne avec éclat ses collègues de la délégation croate. Sur ces entrefaites, la guerre éclate ; les revers fraient le chemin aux ambitions hongroises ; le successeur de Belcredi, Beust, entre résolument dans la voie du dualisme, qui reçoit, un an après, sa forme organique. La question des nationalités était résolue au profit des dominantes ; les rêves d’autonomie croate sombraient dans la fiction politique de la Transleithanie.

La Diète d’Agram refusa de se faire représenter à Pesth, aux fêtes du couronnement. C’était un acte ombrageux et inhabile. Elle fut dissoute le 25 mai 1807. On ne la supposait pas assez souple, on la sentait trop froissée surtout pour renouer avec elle des négociations. Presque à la même époque un ordre de la cour, coloré d’une mission vague, éloignait Mgr Strossmaier. L’évêque vint à Paris, où le hasard lui fit rencontrer Kossuth. Kossuth, dans la réconciliation de l’exil, jugea comme lui la politique des Magyars, qui consacrait l’isolement de leur nation, même au faîte de sa puissance, et lassait autour d’elle la redoutable inimitié du monde slave.

Les dernières séances de la Diète furent les mieux employées. Elle vota quelques lois destinées, en prévision des mauvais jours, à constituer, sous la forme littéraire et artistique, une citadelle