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à l’esprit national. C’est le 28 juillet de la même année que fut inaugurée l’Académie jugo-slave des sciences et des arts (Ingoslavenska Academija znanosti i umjelnosti), à laquelle contribuèrent, du reste, des fondations particulières, et surtout la générosité de l’évêque de Djakovo. Agram retentit, ce jour-là, de Zivila ! et d’ovations, écho faible, et quelque peu particaluriste, aux fêtes de Pesth.

La réalité apparut avec le baron Rauch, chef du parti magyaron, nommé ban par Andrassy, et chargé de mettre en vigueur un nouveau règlement électoral. La vigueur fut telle, corroborée de tant d’épurations et d’une pression si savante, que la nouvelle Diète de 1808 comptait à peine quinze députés patriotes. Ceux-ci péchèrent, comme leurs prédécesseurs, par fierté lasse, ignorant ce qu’à ce moment même un regard vers la France leur eût appris : la puissance d’une opposition ramassée en quelques hommes d’énergie. Ils se retirèrent d’une assemblée qu’à Pesth on eût pu déclarer la Chambre introuvable. C’est du sein de cette Diète que sortit la commission chargée, d’accord avec les délégués hongrois, de formuler le pacte dont les travaux préparatoires languissaient depuis 1861.


II

Ce pacte, ou Nagoda, mérite une place à part dans la vitrine des curiosités constitutionnelles. C’est du moins l’opinion du jurisconsulte Palma, qui le définit : « La costituzione dei popoli liberi, colle parole : unio realis, inæqualis, singolarissima. »

Imaginez une sorte de fédération, — le mot est absent du pacte, mais l’idée s’en dégage, — qui laisse subsister la notion de peuples et de territoires distincts, sépare soigneusement les affaires communes des autonomes, mais adjuge à l’un de ces peuples, et naturellement au plus fort, l’e pouvoir exécutif et les finances. C’est le trait essentiel et original de la Nagoda.

Les affaires communes sont la règle et les autonomes l’exception, en ce sens que celles-ci seulement sont l’objet d’une énumération limitative. Cette énumération comprend : l’administration intérieure, la Justice, l’Instruction publique et les Cultes. En ces matières, la Diète croate est théoriquement souveraine, de même que le ban, chef du pouvoir exécutif, est théoriquement responsable. Seulement elle n’est ni maîtresse de son budget, ni armée d’une sanction contre la politique du ban. Celui-ci ne relève, en fait, que de la Couronne, qui seule le nomme ou le destitue, sur la proposition du ministère hongrois.