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Lorsque Renduel, l’esprit séduit et charmé par les contes d’Hoffmann, avait décidé de les faire tous traduire, il s’était adressé, pour cette tâche délicate, à Loève-Veimars, et il avait eu la main heureuse, à ne juger que le talent de l’écrivain, dont la remarquable traduction est devenue classique. Cette longue publication obtint une vogue considérable, ne dura pas moins de cinq ans, de 1829 à 1833, et s’étendit jusqu’à vingt volumes, tandis qu’une traduction rivale, celle de Théodore Toussenel, suscitée par ce succès inespéré et commencée seulement un an plus tard, s’arrêta à douze volumes d’égale contenance. L’édition des Contes d’Hoffmann, publiée par Renduel, était aussi bien une œuvre de luxe qu’une œuvre littéraire ; car, outre une notice historique de Walter Scott sur l’humoriste allemand, elle renfermait un beau portrait, dessiné par Henriquel-Dupont d’après une silhouette d’Hoffmann par lui-même, puis deux vignettes de Tony Johannot, l’une tirée du conte de Maître Floh et l’autre représentant le chat Murr.

Sue et Soulié contribuèrent aussi à la prospérité de l’entreprise de Renduel. S’il ne publia du second qu’une réédition des Deux Cadavres, il eut en revanche la primeur de deux des plus célèbres romans du premier. Au moment où Renduel entra en rapports avec Eugène Sue, celui-ci venait de quitter la carrière maritime pour s’essayer dans la littérature, après avoir exercé la chirurgie dans les armées de terre et de mer, parcouru l’Espagne, les Antilles, la Grèce et assisté enfin à la bataille de Navarin. Renduel commença par rééditer Atar-Gull, publié d’abord chez Vimont, puis il fit paraître, coup sur coup et à un an de distance, les deux grands romans maritimes de Plick et Plock et de la Salamandre. Plick et Plock était le premier ouvrage d’imagination sur la vie maritime qui fût écrit en France, et il avait d’abord paru dans un recueil littéraire, la Mode, mais il retrouva en volume le succès retentissant qu’il avait obtenu en feuilletons, et la vogue de ces récits fut telle qu’elle établit définitivement la réputation naissante du romancier.