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par suite de la situation générale. Le 16 novembre, je télégraphiais à M. de Chaudordy : « Jusqu’à présent, les représentais de la Turquie, de l’Autriche et de l’Italie n’ont reçu aucune instruction de leur gouvernement à l’effet de protester contre les dénonciations de la partie du traité de 1856, relative à la Mer-Noire. D’après même certains indices, il est permis de croire que si des protestations s’élèvent de leur côté, elles n’offriront pas de caractère bien sérieux. Les représentations de l’Angleterre seront vraisemblablement plus accentuées, et sir A. Buchanan, qui a reçu hier un courrier de Londres, est allé aujourd’hui à Tsarkoë-Selo pour en entretenir le prince Gortchacow. Je vous manderai ce que je pourrai savoir du résultat de leur entrevue. On me dit que les dépêches anglaises seraient assez énergiques.

« Ainsi que je vous l’ai mandé, le motif de cette résolution soudaine paraît avoir été de donner satisfaction à l’opinion du parti russe qui reprochait avec quelque raison à son gouvernement ses sympathies prussiennes. Ne pouvant ou ne voulant rien faire de réellement utile en notre faveur, on a espéré obtenir une sorte d’amnistie de l’opinion par la déclaration relative au traité de 1856. Les journaux russes de ce matin accueillent avec enthousiasme la notification du gouvernement russe, et l’on me dit que le séjour de quelques semaines que l’empereur devait faire à Moscou et qui avait été décommandé par crainte d’une réception peu enthousiaste, est de nouveau remis sur le tapis. »

Le 17 novembre, je télégraphiais de nouveau à M. de Chaudordy :

« La réponse de l’Angleterre communiquée hier par sir A. Buchanan au prince Gortchacow est en effet assez énergique. Elle déclare que le gouvernement anglais se refuse à prendre en considération la déclaration du gouvernement russe. Toutefois elle se termine par quelques phrases plus douces, se plaignant plutôt de la forme de la circulaire que du fond, et témoigne par conséquent du désir de laisser à la Russie une porte de sortie en cas de besoin.

« Le chancelier a dit à sir A. Buchanan que la volonté de l’empereur était inébranlable, mais qu’il serait répondu à la note anglaise en termes très calmes. On a remarqué toutefois que le lendemain de cette déclaration anglaise, une ordonnance de l’empereur a paru dans le Messager officiel disant que sur le rapport de la commission instituée à cet effet, et pour assurer complètement la force militaire de la Russie, il était nécessaire de former des armées de réserve qui ne seraient appelées au service qu’en cas de guerre. »

On voit que, malgré le mécontentement éprouvé par