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gagné 3 fr. 50 au XIVe siècle, 3 fr. 37 au début du XVe siècle et 4 fr. 50 sous Louis XI. Il en est de même des jardiniers à la journée, auxquels on donnait 3 fr. 50 au XIVe siècle et seulement 2 fr. 10 au XVIe. Employés à l’année, ce genre de serviteurs n’avaient pas en 1590 plus de 227 francs, tandis qu’on les payait 330 fr. en 1490.

Par le salaire des vignerons au moyen âge l’on peut augurer que la culture de la vigne coûtait aussi cher qu’aujourd’hui. Il serait facile de s’en rendre compte par la comparaison, à diverses époques, du prix des façons, si les indications des comptes n’étaient souvent trop vagues pour servir de base à des calculs. Le travail qu’exige le vignoble se divise, comme on sait, en une série d’opérations de valeur inégale. La connaissance détaillée des unes ou des autres — enlèvement des échalas, labourage, taille, recépage, binage, liage des ceps — ne nous instruit pas du total des frais qui seul ici nous importe. Pourtant la culture à forfait de la vigne, lorsqu’elle paraît embrasser l’ensemble des soins nécessaires, durant les douze mois de l’année, à la préparation d’une bonne récolte, revient en 1202, dans le département de la Seine, à 418 francs l’hectare. En 1350, à Dourdan, dans Seine-et-Oise, elle coûte 714 francs. En Normandie elle s’élève, en 1410, à 1 125 francs l’hectare, chiffre extraordinaire qui tenait sans doute à la pénurie des hommes du métier ; ceux sur lesquels on parvenait à mettre la main faisant la loi aux propriétaires. A la fin du siècle on ne dépensait plus dans la même localité (1498) que 756 francs. Mais au XVIe siècle l’hectare de vigne ne représentait que 660 francs de débours à Argenteuil et 540 sous les murs de Paris. Au temps de la Ligue la moyenne, en France, était tombée depuis le centre jusqu’à l’est à 380 francs ; le vigneron devait donc se contenter, sous Henri III, d’un gain non seulement inférieur de près de moitié à celui qu’il avait eu sous Charles VI et sous Louis XII, mais qui n’égalait même pas celui dont, quatre siècles auparavant, il jouissait sous Philippe-Auguste.

Les autres façons agricoles, rapprochées de leurs prix actuels, viennent confirmer les observations précédentes. Je laisse de côté tous les travaux malaisément comparables, soit parce qu’ils sont peu définis, — défrichement de terres, abatage d’arbres, creusement de fossés, — soit parce qu’ils n’ont plus leurs pareils de nos jours.

Dans la catégorie des ouvrages sans analogie présente rentre le battage des grains à façon. Il n’existe presque plus en France de batteurs au fléau, ni pour le blé ni pour l’avoine ou l’orge. Si quelques fermiers bretons usent encore, pour leur sarrasin, de cet