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fédéral, de dissoudre la Confédération telle que l’avaient organisée les actes de 1815, de la reconstituer sur de nouvelles bases, de façon à rendre à la Prusse la liberté de ses mouvemens, l’entier exercice de son influence en Allemagne. « Combien mes jugemens, écrit-il à sa sœur, ont subi de transformations, combien de choses me paraissaient petites, qui me paraissent grandes, et combien j’en honore aujourd’hui, que je méprisais naguère. » Son irritation contre l’assemblée fédérale s’aiguisant chaque jour davantage, il écrit encore, cette fois à Mme de Bismarck : « Personne, pas même le plus malveillant démocrate, ne se fait une idée de ce qu’il y a de nullité et de charlatanisme dans cette diplomatie. »

Rien n’égalait son dédain pour la plupart de ses collègues à la Diète : « Celui-ci. mande-t-il à son gouvernement dans un rapport confidentiel du 30 mai 1853, place ses intérêts personnels au-dessus des intérêts politiques ; celui-là montre contre nous une antipathie qui dépasse la mesure des sentimens qu’il est permis de supposer à son gouvernement. » Il en est d’autres qui, à son avis, sont les adversaires naturels de la politique de la Prusse partout où elle n’est pas d’accord avec l’Autriche. Ces portraits variés sont semés de traits vigoureux, écrits d’une plume enfiellée.

Mais ces représentans des cours secondaires étaient, pour lui, des adversaires négligeables ; le véritable ennemi, l’ennemi redoutable, celui qui, après l’avoir humiliée à Olmutz, tenait la Prusse dans des liens étroitement noués, cet ennemi était à Vienne, et il en avait constamment le principal instrument devant les yeux dans la personne du délégué de l’Autriche, lequel présidait la Diète à l’exclusion de tout autre membre, même de l’envoyé prussien ; et grâce à cette situation privilégiée, le représentant de l’empereur François-Joseph était en possession d’une autorité, dont il abusait souvent, au dire de M. de Bismarck, sur les hommes aussi bien que sur les choses. Tous ces avantages, acquis à l’Autriche, mettant la Prusse dans un état d’infériorité constante, démontrèrent à cet esprit ouvert et prévoyant que la maison de Hohenzollern ne retrouverait son indépendance, ne reprendrait son essor, interrompu depuis la mort du grand Frédéric, qu’en se libérant des engagemens contractés avec ses confédérés. C’est à cette tâche qu’il dévoua toutes ses facultés durant la longue période de la mission qu’il remplissait à Francfort avec toute la fougue de son tempérament, contrôlant minutieusement les actes de son collègue autrichien, le harcelant sans cesse, souvent impérieusement, combattant en vigoureux lutteur pour la cause dont il était, en ce moment, l’unique défenseur. Telle fut la