Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 137.djvu/847

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur façonnage, imposés sous peine d’amende, toute la collection des « manuels Roret » versée dans la législation ! Et le tout aboutissant à l’impuissance, particulièrement en ce qui concerne les salaires des diverses professions, qui ne sont pas plus affectés par cet appareil qu’un chêne ne l’est d’un coup de poing.


VI

Ils demeurent en effet très bas, ces salaires des XVIIe et XVIIIe siècles, et la proportion de 3 à 4, que nous remarquons en 1896 entre la paye du journalier et celle de l’ouvrier de métier, et qui avait aussi existé au moyen âge, se maintient dans les temps modernes. La journée du maçon, type moyen de l’artisan, oscille au XVIIe siècle de 3 francs sous Henri IV à 2 fr. 30 sous Colbert, contre 2 fr. 28 à 1 fr. 70 donnés au journalier. Au XVIII° siècle le maçon gagne de 2 fr. 84 au temps du ministère de Fleury à 2 fr. 30 au moment de la Révolution, pendant que le manœuvre recevait 2 fr. 10 ou 1 fr. 64. Les deux genres de labeur se trouvent en définitive, aujourd’hui qu’ils sont libres tous deux, dans la même situation vis-à-vis l’un de l’autre que lorsque l’un des deux était l’objet d’une protection spéciale.

De même les différens corps d’état étaient entre eux, au point de vue du salaire, dans le même rapport où ils sont aujourd’hui, où ils avaient été au moyen âge. Le maçon est actuellement payé 3 fr. 40, le charpentier 3 fr. 70, le peintre 3 fr. 50 ; aux XVIIe et XVIIIe siècles le maçon recevait, avons-nous dit, de 3 francs à 2 fr. 30 ; le charpentier gagna en moyenne suivant les époques de 3 fr. 18 à 2 francs ; le peintre et le couvreur de 3 fr. 30 à 2 fr. 50. Aux mêmes époques ces professions haussèrent, aux mêmes époques elles baissèrent ; si bien que le prix général du travail obéit aux mêmes influences et paraît suivre des lois identiques, quelles que soient la qualité des travailleurs et la distance qui les sépare. Il va de soi que, suivant leur capacité, la besogne dont ils sont chargés, la manière dont on les occupe, la rétribution de ces divers ouvriers du bâtiment est très variable, inférieure ou supérieure aux moyennes qui précèdent. On donne au Havre jusqu’à 4 francs au sculpteur sur pierre sous Louis XIV ; on paye un menuisier à l’année, nourri et logé, à la même époque, sur le prix de 50 centimes par jour en Limousin. Notre XIXe siècle voit encore de semblables inégalités. Le plâtrier, le paveur, le plombier, le serrurier, reçoivent des salaires équivalens. Les différences que l’on constate, d’une province à l’autre, viennent parfois de la diversité du prix de la vie entre les régions de l’ancienne France ; le plus souvent elles n’ont d’autre base que la saison et la valeur