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voie où celle-ci s’engage aussi et qu’elle continuera de suivre, à moins que l’expérience de ses possessions ne soit pas satisfaisante et ne l’engage à s’en détourner. Cette différence de degré serait cependant déjà importante à noter ; mais sur un point il existe une opposition d’idées complète entre le Royaume-Uni et ses colonies. Malgré la renaissance récente d’un parti protectionniste en Angleterre, le libre-échange y a des racines extrêmement solides et profondes, et il ne sera pas aisé de l’abattre, si l’on doit y réussir jamais. Le Canada, la plupart des colonies australiennes, le Cap et Natal ont été au contraire, jusqu’à présent les pays les plus furieusement protectionnistes du monde. Sous prétexte de favoriser la formation des industries, les droits de douane de certaines colonies frappent en moyenne de 40 à 50 pour 100 les articles manufacturés importés. C’est en Australie surtout que cette exagération se fait sentir : les colonies y forment des territoires douaniers distincts et frappent les produits de leurs voisines de tarifs aussi élevés que ceux qui atteignent les produits étrangers. Sur des marchés aussi étroits, peuplés de 100 000 à 1 200 000 habitans, les industries qu’on prétend aider restent fatalement chétives et ne peuvent se maintenir que par l’exhaussement constant des droits. Ce système qui cherche à mettre dès l’abord un pays neuf en état de se suffire en toutes choses ne le cède guère en absurdité à l’ancien système mercantile qui, par une exagération opposée, interdisait aux colonies de fabriquer même un clou ou un fer à cheval. L’établissement d’un régime de libre-échange presque complet en Nouvelle-Galles à la suite des élections de 1894 et de 1895, l’abaissement des droits de douane pour la première fois depuis trente ans à Victoria, l’avènement au pouvoir au Canada du parti libéral, l’été dernier, semblent indiquer l’existence d’un certain courant en faveur d’une politique commerciale plus modérée dans l’Empire britannique, mais les principes des colonies sont encore bien différens à ce sujet de ceux de la métropole.


IV

Maintenant que nous avons étudié le milieu colonial, ses ressemblances et ses différences avec le milieu britannique, nous pouvons examiner quelles chances de succès ont les projets de fédération. Il nous faut toutefois traiter encore une question