Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’empire où l’idée particulariste prolonge son sommeil conscient et volontaire, le Hanovre, le Wurtemberg, la Bavière, vous entendez dire à certains ; pour qui rire est d’une meilleure tenue que de gémir : « Il ne reste plus que deux rois en Allemagne, le roi de Prusse et le roi de la Sarre ; et les deux n’en font qu’un. » M. de Stumm, dit « le roi de la Sarre », gère à la façon d’un fief l’opulente vallée dont Sarrebruck est le centre. Il a toujours fait effort pour être un bon patron, et longtemps il en a eu la réputation ; il a multiplié, dans ses terres, les cités modèles, écoles, caisses de mutualité, caisses d’assurance, surtout, dont il fut l’un des premiers instigateurs ; lui et ses représentans en ont l’absolue gérance, et les travailleurs n’ont qu’à subir le bien qu’il leur veut, au même titre que les ordres qu’il leur donne.

Il fut un temps où ces générosités obtenaient une reconnaissance équivalente ; on finit, à la longue, par les trouver presque trop complètes ; et parmi les ouvriers un besoin confus s’éveilla de décharger ce haut patron d’une partie de la peine qu’il assumait, et de devenir eux-mêmes, en quelque mesure, les artisans de leur propre bonheur. M. de Stumm s’étonna, résista ; cet esprit d’initiative, que développèrent trois grèves successives, lui parut un mauvais esprit ; et bon gré, mal gré, surveillant cette clientèle de prolétaires comme on soignerait des enfans qui ne seraient point destinés à grandir, il voulut qu’ils continuassent à n’avoir d’autre souci que celui d’être ses obligés, et se croyant d’ailleurs d’autant mieux fondé à leur demander une gratitude passive qu’il les dispensait impérieusement de toutes vertus actives. Les ouvriers, tenaces, persistèrent à choisir autrement leurs vertus.

En même temps les Eglises s’en mêlaient : l’Eglise catholique d’abord, qui ne fut point étrangère, paraît-il, à la grève de 1889 ; et puis l’Eglise évangélique. M. de Stumm laissa faire la première ; il n’inquiéta pas le secrétariat du peuple que les catholiques installèrent parlementaire avisé, il ne voulait faire aucun acte que le Centre, parti toujours redouté, pût considérer comme une provocation. C’est à l’Eglise évangélique qu’il s’en prit, ayant toujours la ressource, s’il ne la pouvait apprivoiser, de la faire dompter par des arrêtés officiels. Une petite Semaine religieuse, l’Evangelisches Wochenblatt, qu’il avait en 1874 aidé à fonder, supporta d’abord ses colères. Trois d’entre elles furent célèbres : la première en 1889, à l’occasion d’un article sur l’ascension du quatrième État ; la seconde en 1894, lorsque ce journal eut