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l’autre par l’expérience. Les membres de la commission, en se déclarant des hommes pratiques, reconnaissent leur incompétence scientifique. »

Pendant le reste de sa vie, il a répété : « Le corps des ponts et chaussées a reconnu officiellement son incompétence dans les questions de hautes mathématiques. »

Le principe universel de Wronski condamnait les expériences : « Deux voies sont ouvertes aux hommes. L’une en partant de la loi, comme œuvre de l’homme, pour en déduire le fait, qui existe indépendamment de lui; l’autre en partant du fait, étranger à l’homme, pour en induire la loi, comme présomption de ce qu’il aurait dû créer lui-même. La première voie, la voie de la déduction des faits, est la méthode rationnelle ou didactique, c’est la voie de la réforme de la science que j’ai réalisée. La seconde, la voie de l’induction des lois, est la méthode expérimentale, ou empirique, c’est celle qui, comme simple préparation, a été suivie jusqu’à ce jour. » Wronski était plus cartésien que Descartes. Il a révélé le principe nouveau dont des ingénieurs ignorans et défians voulaient la preuve expérimentale.

« Dans la mécanique rationnelle, et spécialement dans sa partie dynamique, telle qu’elle dérive de sa présente loi fondamentale, on n’a, jusqu’à ce jour, considéré encore que le mouvement des corps provenant d’une impulsion extérieure, et constituant ainsi un véritable mouvement inerte. Cependant, des corps qui portent en eux-mêmes leurs forces motrices, peuvent se mouvoir par une impulsion intérieure, et peuvent ainsi exercer une espèce de mouvement spontané. Et l’on conçoit que les lois de ce mouvement spontané doivent, à plusieurs égards, par exemple dans leur limitation, être différentes des lois que suit le mouvement inerte. »

On a peine à comprendre la patience des ingénieurs. Wronski était un grand géomètre, ses découvertes avaient étonné Lagrange, l’Institut en avait authentiquement déclaré l’importance ; ils le croyaient et ne voulaient pas discuter ses étranges principes : ils insistaient pour les mettre à l’épreuve. Wronski déclara enfin que, pour les convaincre, il allait faire devant eux une expérience ; on prit jour, non sur le terrain, mais dans la salle ordinaire des réunions. Wronski se présenta avec deux thermomètres dont il annonçait l’accord parfait. — Mais, dit le président,