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mythologie païenne d’abord et ensuite de la mythologie chrétienne. D’un autre côté, nous voyons celles de la Scandinavie être les premières sources de tout ce pouvoir mental aussi bien que militaire qui descend sur le Midi et puis qui réagit sur l’Angleterre méridionale, tandis que d’autres formes de la même rude imagination religieuse demeurent comme les nuages sur les montagnes d’Écosse et du pays de Galles, rencontrées et mélangées avec le christianisme normand, retenant même jusqu’aux derniers temps quelque couleur de superstition, mais donnant toute sa splendeur poétique et militaire à la vie écossaise. Qui dira que les collines qui sont autour de Stratford et la vue que Shakspeare put avoir des calcaires dans le Warwickshire ou dans le Kent ne furent pas essentielles au développement de son génie? » — Plus encore, « les montagnes n’ont-elles pas toujours possédé le pouvoir d’exciter l’enthousiasme religieux et de purifier la foi religieuse?... Parmi les belles campagnes d’Angleterre et de Belgique, s’étend un protestantisme ou un catholicisme orthodoxe prospère, honorable et sommeillant, mais c’est parmi les landes de la frontière des Highlands, les ravins du mont Genèvre et les rochers du Tyrol que nous trouverons la foi évangélique la plus simple et la pratique catholique romaine la plus pure... »

Peut-être qu’on trouvera aussi dans cette contemplation de certains horizons familiers les sources de plusieurs des grandes idées qui mènent le monde, et par exemple les sources mêmes du patriotisme. Le paysage, en effet, est le visage aimé de cette mère patrie, την μητριδα, qu’on ne pourrait autrement se figurer que par une froide abstraction ou par une lourde femme de pierre, comme celles de la place de la Concorde. Quand on pense à la Patrie, ce n’est pas comme à une assemblée d’hommes chauves et noirs gesticulant sous la lueur du gaz parlementaire, ou écrivant derrière les grillages des bureaux des municipes : c’est aux dentelemens des montagnes, aux eaux courantes des fleuves, aux demi-cercles bleus des golfes limpides, aux vallons courbés, tachetés de champs, striés de sillons, comme une plaque gravée, aux villages égrenés sur les routes, aux fumées des villes montant dans l’azur des soirs... Et plus cette vision sera belle, plus on aimera la patrie dont elle est l’image. L’Ecossais, par exemple, adore la sienne, car « c’est le caractère particulier de l’Ecosse comme distincte de tout autre paysage, sur une petite échelle, dans l’Europe du Nord, d’avoir des traits distinctement