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fermant celles qui travaillent à perte ou à trop faible bénéfice. Les dividendes trimestriels, votés par lui, sont répartis entre les intéressés proportionnellement au nombre de leurs actions ou certificats, de telle sorte que même les établissemens qui chôment prennent leur part dans le gain commun. Toute liberté individuelle, sinon toute initiative locale, disparait ainsi sous l’empire arbitraire du syndicat tout-puissant ; là où l’on voyait une série d’établissemens rivaux et indépendans, il n’y a plus que les agences ou les comptoirs, à peine les succursales, d’une entreprise gigantesque qui tient toute une industrie dans tout un pays, composé solide d’élémens inséparables, produit exorbitant et colossal d’une force économique supérieure à la concurrence : l’association.

Les avantages respectifs de l’un et de l’autre procédé de formation des syndicats sont assez difficiles à mettre en balance. La fusion des compagnies ou établissemens est-elle préférable à la fédération des actionnaires ? Il y a doute ; on remarquera que les deux méthodes présentent pour les Américains l’avantage commun d’éviter tout changement dans la condition juridique des diverses entreprises, qui restent devant les lois aussi parfaitement distinctes les unes des autres qu’elles sont intimement associées en pratique. Les trustees, d’une part, ont plus de pouvoirs que les administrateurs de la société centrale de l’autre, puisque au lieu d’être simples mandataires des actionnaires réunis en assemblée, ils exercent seuls tous les droits attachés à la possession des actions échangées contre les certificats, dont les porteurs ne sont plus que des créanciers éventuels de dividendes. Mais cette distinction purement juridique a peu d’importance réelle, car chacun sait qu’aux Etats-Unis moins que partout ailleurs les actionnaires n’exercent de véritable pouvoir dans le choix des administrateurs et la direction des affaires. Une seule différence est à signaler : c’est que le conseil de trustees, qui n’a pas d’existence légale, agit plus secrètement que les administrateurs de la société anonyme. Il travaille dans l’ombre, en silence, sans qu’il y ait de limite assignée à ses attributions ni de responsabilité attachée à ses opérations ; son autorité est d’autant plus forte qu’elle est moins officielle.

À côté de ces grands syndicats, on trouve aux États-Unis quantité d’autres associations industrielles d’objet analogue et de nature inférieure, ayant plus ou moins d’extension, de prétention et de succès. Voici, choisis au hasard, quelques exemples de ces