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les masses naïvement partageuses sur l’ignorance desquelles M. Bryan avait spéculé et l’aristocratie ploutocrate dont M. Mac-Kinley a servi la cause, il n’y a guère de place pour ce grand parti de réforme sociale dont la formation seule éviterait aux États-Unis de redoutables conflits et de déplorables malentendus dans l’avenir.


VIII

C’est donc bien à une sorte de jugement de Dieu que va se trouver soumis dans presque tous les pays libres le régime parlementaire, représentatif, constitutionnel, sous toutes ses formes. Il se passe à la fin de notre XIXe siècle, pour le constitutionnalisme moderne, quelque chose comme ce qui se passa pour la Réforme, à la fin du XVIe siècle. Après une première période de lente croissance, de luttes, de succès incertains et partagés, de revers douloureux, survient l’ère de la victoire, des conquêtes faciles, du triomphe presque universel. On dirait le nouveau principe sur le point d’entrer en possession du monde entier. Devant lui, il semble que les croyances ou les institutions du passé n’aient plus qu’à battre en retraite. C’est précisément l’heure où la réaction va commencer. La victoire affaiblit le vainqueur : aux sacrifices qu’elle lui demande, aux accommodemens, aux transactions qu’elle lui impose elle ne laisse pas de joindre certaines corruptions qu’elle lui fait éprouver. Au lendemain même des succès, elle ébranle, elle diminue la vertu qui en a été la raison d’être, qui en serait la garantie. En même temps la défaite purifie, ennoblit le vaincu. Il arrive que ce qui faisait l’originalité, la force, le ressort de la cause victorieuse, les vaincus s’en emparent, le retournent contre leurs adversaires, et obtiennent au prix de cette espèce de conversion le redressement de leurs griefs et la réparation de leurs malheurs devenus injustes.

Ainsi, la contre-réformation, après le concile de Trente, inocula au catholicisme une large dose de cet enthousiasme moral, de cette piété austère, de cette religion intérieure qui jusqu’alors avaient été ou avaient paru être en quelque mesure le privilège des novateurs. Pénétrés de l’esprit nouveau, les défenseurs de l’ancienne foi reprennent courage et reprennent pied. Ils passent de la résistance pure et simple à l’offensive; ils redeviennent agresseurs et conquérans. Les grandes luttes du XVIe siècle, du siècle de Luther,