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de Calvin. d’Henri VIII et d’Erasme, de l’âge qui vit déchirer en deux la robe sans couture, rompre l’unité de l’Eglise, et violer irrévocablement ce bel idéal de la chrétienté une et indivisible, aboutissent, — épilogue inattendu, — à ce grand siècle majestueux du catholicisme, à cet âge de Pascal, de Bossuet, dans lequel on ne sait trop, tant ces influences diverses et même contraires se sont entremêlées, entre-croisées et enchevêtrées, qui l’a définitivement emporté, de l’autorité ou de la liberté, de la Réforme ou de la religion des ancêtres.

En sera-t-il de même pour ce grand mouvement libéral qui. sous tant de rapports, a joué dans notre XIXe siècle le rôle de la Réforme au XVIe ? Nous avons vu le triomphe du libéralisme. Nous avons assisté à la conquête de tous les châteaux forts de la réaction tombant successivement en son pouvoir. Nous avons pu croire vaincues les dernières résistances et que, sans alliage, sans retour et sans fin, l’avenir était au régime parlementaire, au gouvernement représentatif, au principe électif, aux institutions démocratiques. À cette heure, la réaction a commencé. Une fois de plus, la victoire semble devoir enfanter la défaite. Une fois de plus, le parti vainqueur s’est laissé à la fois assagir et corrompre par le pouvoir ; il en a subi les légitimes influences et les mortelles déchéances; il a modifié ses principes, allégé ses programmes, adouci ses méthodes, renouvelé son personnel. Et, une fois de plus les enseignemens de l’adversité, l’habitude de la lutte, l’appel forcé au droit commun, la pratique virile de la résistance ont fait l’éducation des vaincus.

Il se rencontre aujourd’hui ceci : l’intérêt suprême de la liberté, ce n’est pas que le régime soi-disant libéral subsiste tel quel, avec le maintien intégral de ses lois de colère et de combat et avec l’exercice exclusif du pouvoir par son personnel usé et discrédité. Tout au contraire : c’est que l’on ose enfin faire subir aux lois et aux hommes le changement radical et profond, qui seul pourra dégager les institutions d’une solidarité mortelle et leur donner un nouveau bail de vie. En d’autres termes, il faut choisir entre la République de parti et la République nationale, entre le gouvernement du pays par une coterie au profit d’une coterie et le gouvernement de la France pour la France.

Après tout rien n’est pire que la survivance de formules périmées et de partis qui ont perdu leur raison d’être. Admirable instrument, un parti est un maître détestable. Aussi longtemps qu’il