Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 142.djvu/388

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme d’autres endroits pourvus d’eau, devait servir à la réalisation de cette pensée. Peut-être aussi, avec sa ceinture de sables, était-elle alors à peu près indépendante. Mais, après la mort d’Alexandre, les Séleucides, dont les États s’étendaient depuis la Méditerranée jusqu’à la Bactriane, avaient aussitôt senti le besoin d’unir entre elles les différentes parties de leur empire. Ils ouvrirent donc, dans un intérêt séparé, les communications projetées et s’assurèrent, à cet effet, la possession de la partie septentrionale du désert. Ils y créèrent des postes fortifiés et des centres de population. Tadmor devint Palmyre ; et ce n’est pas la seule ville d’alors dont il reste des traces. La route qui la relie à Damas est couverte de débris indiquant qu’il y eût là, jadis, des lieux habités. Les établissemens macédoniens se multiplièrent et, si l’œuvre d’Alexandre ne s’acheva pas dans son entier, du moins le mouvement imprimé par lui s’étendit à la Syrie et aux régions voisines. La langue grecque devint l’idiome commun à ces contrées, et. elle constitua entre elles un lien puissant et cette unité née de l’expansion de la civilisation grecque qui se nomme l’hellénisme.

Tout paraît démontrer que la Palmyrène a participé très anciennement à cette transformation, et plusieurs preuves de ce fait nous sont données par l’épigraphie. L’habitude d’enregistrer toute sorte d’actes officiels et privés était très ancienne dans cette partie de l’Orient et principalement en Syrie et en Mésopotamie. A Palmyre, située sur les confins des deux pays, il y a beaucoup d’inscriptions. Presque toujours elles sont bilingues : grecques et araméennes ; mais le grec vient en tête. D’ailleurs les habitans avaient coutume de joindre un nom grec à leur nom sémitique. Enfin, et il ne faut pas l’oublier, à Palmyre, à l’heure même de sa ruine, le grec était la langue d’Etat. Et si, dans des vues politiques, Zénobie avait voulu que ses fils apprissent le latin, elle-même n’en faisait point usage. Elle parlait le grec, était entourée de Grecs et comptait parmi ses conseillers le rhéteur Longin. Celui-ci était, à ce que l’on croit, Syrien de naissance. Mais, après avoir étudié à Alexandrie et enseigné à Athènes, il n’avait pas cru déchoir en venant dans la capitale du nouveau royaume. Il y apportait, tout au moins, son patriotisme littéraire, et il paya de sa vie l’influence qu’il exerçait, dit-on, sur la reine. Peut-être faut-il voir dans la révolte de Zénobie un effort de l’hellénisme pour se séparer de l’Occident latin.