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aux Suisses un emprunt de 80 millions. Ce sera la révolte. Le nouveau gouvernement est inerte, tiraillé entre la France qui réclame de l’argent et la nation suisse qui le refuse. Sur la clameur publique, Rapinat est rappelé à Paris ; c’est pour revenir peu après, plus âpre encore aux sévices et aux spoliations. Les envoyés suisses à Paris réclament la justice, le respect de la constitution qu’on leur a faite, la paix qu’on leur a promise, l’évacuation de leur pays, la reconnaissance de leur neutralité. Neutres, ils l’étaient, et ce n’est point pour les neutraliser que le Directoire les a envahis. Talleyrand exige une alliance offensive et défensive ; elle est signée le 19 août 1798 : toutes les forces de la Suisse sont à la disposition du Directoire. « Les troupes françaises continuent d’occuper ce pays et de s’y faire nourrir. » Alors, avec la déception et le désespoir, l’insurrection éclate, et, le 9 septembre, dans l’Unterwald, Schauenbourg doit encore écraser les paysans en armes.

Les Hollandais, comme les gens de la plaine et des villes riches, en Suisse, n’en viennent pas à la révolte armée ; ils n’en ont ni le courage ni les moyens : l’armée d’occupation les anéantirait. Mais ils se refusent aux impôts, aux lois de douane surtout. C’est une conspiration sourde, continue, de tous les intérêts, de tous les attachemens d’un peuple, de son travail, de son génie, de tout ce qui a fait sa prospérité, sa grandeur passée, contre le gouvernement que des étrangers lui imposent dans le seul intérêt de leur puissance. La force seule peut faire rentrer les contributions, et la force détruit le commerce, la confiance, sans lesquels tous les impôts sont improductifs. Le Directoire batave déclare que la République française dispose de tout en Hollande ; mais ce Directoire batave n’y dispose de rien. Ce gouvernement, paralysé de naissance, tâtonne, chancelle. lv faut le renouveler sans cesse. Les constitutions se multiplient en Hollande comme les saisies chez le débiteur récalcitrant, le commerçant ruiné. Elles ne sont, en effet, que des mesures fiscales, des moyens de forcer à payer davantage un peuple qui ne veut plus payer. Le Directoire français a besoin, pour garder la Hollande et en tirer parti, d’un gouvernement qui fasse la guerre aux Anglais et souscrive des emprunts. Peu lui importent les noms des gouvernans. Ces noms n’importent pas davantage aux Bataves qui ne veulent ni guerre ni impôts. Tout Hollandais ambitieux qui accepte, pour parvenir au pouvoir, le mandat impératif