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du Directoire français est voué à l’impopularité, à l’impuissance. La constitution de mars 1798, issue d’un coup d’Etat, qualifié de décisif par Talleyrand. est ratifiée, le 23 avril, par 153 913 suffrages sur 165 510 votans dans toute la république ! Le reste s’abstient, c’est-à-dire est hostile. La minorité radicale est soutenue par les catholiques, qui, étant le petit nombre, tiennent pour le régime unitaire et jacobin. Cette minorité gouverne contre la majorité fédéraliste, oligarchique et protestante. Le Directoire exige 18 millions. Joubert écrit qu’avec le nouveau régime les millions ne rentreront jamais. Les radicaux n’obtenant pas d’argent, le Directoire recourt aux modérés ; il applique à la Hollande, avec aussi peu de succès, la bascule de Paris.

Le 13 juin, Joubert « épure » les gouvernans qui avaient « épuré » en décembre. Delacroix, qui marchait avec les radicaux, est rappelé et remplacé par Roberjot. Mais comme les exigences sont les mêmes, la résistance continue. Le nouveau gouvernement est constitué le 10 août, selon le vœu de la France ; mais, dit un mémoire présenté au Directoire, l’inquiétude demeure extrême : « La Hollande se trouve livrée à de nouvelles convulsions. » Les Directeurs n’y comprennent rien. « La Hollande, écrit La Revellière, redevenait ce qu’elle était jadis, par le fait, une province anglaise. » La souffrance tourne ce pays à désirer le retour de l’ancien ordre de choses, à se prêter, à se soumettre volontiers à une intervention étrangère qui le débarrassera des Français. Des complots se nouant, le stathouder ne rêve rien moins que de revenir avec les Anglais, de repousser les Français « dans leur coquille », de se faire décerner par l’Europe la garde noble des Pays-Bas et de réunir, dans l’intérêt de la paix générale, la Belgique et la Hollande : c’est l’extension du traité des barrières, de 1715, et l’esquisse du traité de Paris de 1814.


III

Le Piémont mûrit pour l’annexion. Le roi y végète, à la merci de l’armée française, forcé de contenir, de réprimer même ses sujets fidèles qui conspirent pour son trône, car toute imprudence de leur part peut entraîner la chute de la monarchie. Les agens français mettent leur zèle à provoquer ces révoltes utiles. Brune, qui, venant de Suisse, arrive à Milan, voit dans le Piémont une