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bruyamment soufflait, puis, campé sur ses pattes, se secouait avec violence, dans un cliquetis brusque. Un général tourna la tête, s’enquit si Du Breuil apportait d’autres ordres. Sur ses explications, il dit d’un ton sec, où de la rage tremblait :

— Eh bien, lisez cela, commandant !

Du Breuil étendit le bras. — Tiens, la bête à bon Dieu qui était toujours là ! — et prenant le papier, il lut l’ordre copié d’une grande écriture sautillante, celle de Francastel. Un silence glacial régnait. Du Breuil, muet, replia le papier.

— C’est bien, monsieur, on s’en va ! disait le général en s’adressant au capitaine d’état-major qui avait apporté l’ordre. Ralliez de votre côté les régimens que vous rencontrerez.

Est-ce que Du Breuil rêvait, voyons !… L’armée entière allait rentrer, tête basse, sous le canon des forts… Tant de braves gens seraient morts en vain !…

— C’est au quartier général qu’on vous a donné ça ? balbutia-t-il.

— Oui, répondait le capitaine, ce sont les instructions dictées par le colonel Charlys, après sa reconnaissance de l’après-midi. Du Breuil passait la main sur son front :

— Et le maréchal, vous l’avez vu ?

— Oui, répondait l’autre. Quand le 4e corps a plié après le 6e, le général de Ladmirault m’a envoyé prévenir le commandant en chef. Bazaine m’a fait remettre l’ordre que vous avez lu, et, devant mon désespoir, il a ajouté : Ne vous désolez pas, capitaine, ce mouvement rétrograde, vous deviez l’opérer demain matin, vous le faites douze heures plus tôt, voilà tout !

(La quatrième partie au prochain numéro.)

Paul et Victor Margueritte.