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C’est un fort beau règlement, à coup sûr, que celui qui fixe les attributions du conseil laïque de la communauté : on demande aux membres de ce conseil d’ « aider, dans la mesure du possible, à l’édification morale et religieuse de la communauté en soutenant l’activité du pasteur, d’y maintenir et d’y développer la pensée chrétienne et les mœurs chrétiennes, de veiller au soin des pauvres, des malades, des orphelins, à l’éducation religieuse de la jeunesse. » Mais de quoi servent les statuts si les personnalités font défaut ? Les paysans dont nous venons d’esquisser le type moral, lorsqu’ils sont membres du conseil de la communauté, semblent surtout trouver plaisir à contrarier le pasteur par quelque mauvaise plaisanterie. Au reste, la pratique religieuse elle-même est en baisse parmi eux. Dans la paroisse de M. Gerade, la plupart des malades meurent sans communion. Cette désuétude n’est en aucune façon l’indice, comme elle le serait dans les pays catholiques, d’une haine contre le ministre de Dieu ou d’une implacable négation de l’au-delà. Préoccupée de supprimer, dans la pratique religieuse, toute exigence littérale, la Réforme a dépouillé de leur caractère solennel, obligatoire, ces rendez-vous avec la divinité qui, dans les autres confessions chrétiennes, parsèment l’existence du chrétien ; envisageant avant tout, dans le phénomène religieux, la disposition intérieure du croyant, elle a fini par réduire à l’apparence d’une superfluité les actes extérieurs les plus graves de la vie religieuse ; et lorsque vint l’inévitable instant où cette disposition intérieure commença de s’attiédir, il était trop tard pour ressusciter une discipline ecclésiastique susceptible d’assurer, à tout jamais, une place à la religion dans la vie de l’individu, et une raison d’être au pasteur dans la vie de la bourgade rurale. Par surcroît d’infortune, l’Etat, il y a vingt uns, a dépouillé les Eglises de leurs attributions d’état civil ; et l’inscription du nouveau-né, ou bien l’inscription des conjoints, sur les registres de la paroisse, ont perdu quelque chose de leur valeur, aux yeux du paysan, depuis que ces actes sacramentels ne sont pas commandés par l’État.

Il n’en est pas du « rural », sujet docile de l’Etat et de l’église d’Etat, comme de l’ouvrier des villes : celui-ci est éloigné du temple par les liens qui unissent l’établissement religieux à l’établissement civil, et déteste dans les pasteurs une variété de gendarmerie ; et celui-là, au contraire, regarde l’Eglise avec une