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Baltimore, 31 mars. — Je ne pense pas que jamais voyageur ou touriste ait eu moins de temps et surtout de loisir pour « observer ». J’ouvre les yeux et les oreilles ; je les ouvre d’autant plus avidement qu’à de petits signes où notre amour-propre et notre vanité ne se trompent guère, je me sens ici accueilli et reçu partout avec plus de cordialité, plus de simplicité, plus de franchise ou moins de réserve qu’il n’est d’usage d’en témoigner à un passant. On ne m’oppose point de défensive, et surtout on ne « pose » pas pour moi. Mais, tout en essayant de répondre à cet accueil, tout en causant, — et aussi tout en dégustant les huîtres, la « terrapin » (c’est une espèce de tortue), et les canards sauvages de la baie de Chesapeake, dont on m’a dit que la réputation s’étendait à l’Amérique entière ; et je suis témoin qu’ils ne l’ont pas volée ! — je ne puis m’empêcher de songer vaguement à la conférence du lendemain, quand ce n’est pas à celle du jour, où je me demande si l’on n’aurait pas pu mettre plus d’intérêt. Des lambeaux de vers flottent confusément dans ma mémoire ; je cherche, dans le peu que je sais de la littérature anglaise, des comparaisons ou des contrastes qui éclairent mon sujet. Et naturellement, s’il est déjà difficile de faire trois choses à la fois, qui sont de dîner, de soutenir une conversation sur les mœurs de France, ou de faire un choix pour le lendemain entre le Rêve du Jaguar et le Sommeil du Condor, je crains que mes impressions d’Amérique ne trouvent que bien peu de place à se loger dans l’intervalle. Heureusement qu’en ce qui touche l’organisation des Universités, — que je me suis donné à moi-même la mission d’étudier, — les professeurs sont là, dont la complaisance est inépuisable, et qui corrigent ou qui redressent à mesure ce que mon observation aurait sans eux de superficiel ou d’erroné.

C’est on m’aidant de leurs conversations, et de leurs publications, que je voudrais dire quelques mots d’un sujet dont l’intérêt, à mon avis, n’est pas pédagogique seulement, mais social.


II

Rappelons d’abord à ce propos, — et afin d’aider les Américains eux-mêmes, et les Allemands, à s’y reconnaître, — que les institutions d’enseignement supérieur ne sont pas toutes en France du même type. Nous en avons deux ou trois, pas davantage, mais